Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 63.djvu/73

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Une imprudence nouvelle d’O’Meara qui, pour adresser ses lettres, avait donné à un de ses amis de Londres, son principal commissionnaire, le nom de Stokoë, acheva de provoquer la méfiance d’Hudson Lowe, de sorte que, s’il ne renvoya pas Stokoë, il le tint pour radicalement suspect. Ce qui le confirma dans cette opinion, ce furent les négociations engagées entre Montholon, Bertrand et Stokoë en vue que celui-ci restât à Longwood comme médecin de l’Empereur. Stokoë acceptait, pourvu qu’il reçût le plein agrément de l’amiral et du gouverneur. Mais quand, à dix heures du soir, au milieu des ténèbres, par une pluie des tropiques, Montholon vint à Plantation House, demander sa décision au gouverneur ; lorsqu’il allégua la maladie de l’Empereur et les complications à redouter, Lowe répondit qu’il n’y avait pas urgence, et qu’il y penserait lorsqu’il ferait jour. A minuit, Bertrand insista et réclama Stokoë. Même réponse. Lowe ne donna cours à la lettre que le 18 à midi. Stokoë, obéissant à sa conscience de médecin, était près de l’Empereur depuis six heures du matin. Les soupçons de Lowe en furent redoublés.

Lowe, dans le cas présent comme dans tous les autres, suit les avis de Baxter qui écrit à Verling, le 16 après-midi : « Mon cher Verling, comment Stokoë agira-t-il, je me le demande, mais si Napoléon est réellement aussi malade que l’on dit qu’il l’est, je n’ai pas le moindre doute que vous serez appelé pour le voir, ce qui sera une bonne note pour vous. Je n’ai pas une idée sérieuse de sa maladie. » Ainsi la maladie, vraie ou feinte, devait avoir cette heureuse conséquence, de faciliter l’introduction de Verling, et de Baxter à la suite. Verling, blessé dans son amour-propre, a voulu partir, mais il a reçu de Lowe l’ordre formel de rester à son poste. « Il était neuf heures environ, écrit-il, peu d’instants après que j’eusse quitté la maison du comte Bertrand. Stokoë arriva chez moi. Il me dit qu’il avait été voir Napoléon, qu’il le trouvait dans un état de grande faiblesse, et il me demanda mon avis, à savoir si Napoléon pourrait avoir une attaque semblable à celle qu’il avait subie la nuit dernière. Je lui répondis que la question me paraissait étrange, que je n’avais aucune connaissance des progrès qu’avait pu faire la maladie dont souffrait Napoléon, si l’attaque provenait d’une précédente maladie ou d’une cause existante et soudaine. Il me décrivit l’état dans lequel il le trouvait. Vous devez