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Alliés qui, par respect du droit des peuples, ont si facilement accepté l’unification allemande, c’est-à-dire la subordination de l’Allemagne à la Prusse, peuvent-ils ne tenir aucun compte des vœux des ouvriers et des paysans polonais ? Comme l’expliquait, il y a peu de jours, M. La Chesnais dans l’Action Nationale, c’est aussi bien dans l’intérêt de la justice que dans l’intérêt de la paix qu’il est désirable de fixer, au moins, la frontière suivant une ligne qui passerait dans le sud du cercle de Rosenberg, traverserait le cercle d’Oppeln et rejoindrait l’Oder au sud de Kosel.

Mais le cabinet britannique en a jugé autrement ; il a voulu réduire la Pologne à la portion congrue et cette intention, immédiatement connue en Haute-Silésie, a provoqué, dans le pays, une émotion que le commissaire Korfanty a eu le tort d’encourager et que certaines paroles de M. Lloyd George n’étaient pas faites, non plus, pour calmer. Aussitôt l’Allemagne, qui, depuis de longs mois, avait préparé ses plans, a envoyé aux formations militaires qu’elle entretenait secrètement en Haute-Silésie des armes et des munitions ; elle a laissé passer la frontière à quelques-unes de ces troupes de l’Orgesch et de l’Einwohnerwehr que nous avons eu la naïveté de ne pas dissoudre ; et ce n’est que sur nos remontrances réitérées, auxquelles M. Lloyd George, ouvrant enfin les yeux à l’évidence, a fini lui-même par s’associer, qu’elle n’a pas osé persister officiellement dans cette attitude belliqueuse. Nos douze mille chasseurs alpins qui étaient seuls en Haute-Silésie avec une poignée d’Italiens se sont trouvés pris dans de sanglantes bagarres. Les Allemands ont tiré sur eux. Plusieurs ont été tués ou blessés. Quelques-uns, emmenés prisonniers et maltraités, ne nous ont été rendus qu’après une énergique intervention de la Commission interalliée. A une fête de chasseurs alpins que je présidais à Lyon, le dimanche 22, nous est arrivé du général Gratier qui commande les « diables bleus » de Haute-Silésie un télégramme d’émouvante camaraderie ; et nous ne pouvions tous songer sans un serrement de cœur à ces pauvres petits Français que l’Allemagne vaincue massacrait là-bas, dans la paix. M. Lloyd George a tardivement senti la nécessité de faire cesser ce scandale. Quatre bataillons britanniques sont partis pour la Haute-Silésie. Mais la racine du mal n’a pas été détruite ; satisfaction n’a pas été donnée à la volonté des populations et la politique suivie par l’Angleterre et par la France vis-à-vis de la Pologne est restée aussi différente qu’elle l’était, l’an dernier, lorsque Londres flirtait avec Moscou et que le général Weygand volait au secours de Varsovie.