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signées, des divergences de vues se sont immédiatement produites, qui de Boulogne à San Remo, de Hythe à Spa, de Paris à Londres, se sont accusées davantage. Dans ces entrevues rapides, où les photographes jouaient souvent un rôle plus important que les experts, il arrivait parfois aux ministres français de ne pas mesurer très exactement la force de notre opinion publique et de croire qu’ils feraient accepter aisément les concessions auxquelles ils étaient amenés. Mais la France, elle, avait des idées très claires. Elle voulait la paix et elle voulait son droit. Elle ne comprenait pas qu’on pût rogner encore quelque chose du minimum que lui avait donné le traité ; et, dès qu’elle a vu qu’à chacune des conférences, on nous arrachait, un à un, nos pauvres avantages, elle a senti monter en elle la tristesse et le mécontentement. Lorsqu’elle a constaté que M. Lloyd George, après avoir annoncé à son de trompe l’extradition de Guillaume II et des autres coupables, renonçait à ses projets, elle a craint que cette première marque de faiblesse n’encourageât la résistance du Reich sur tous les autres chapitres du Traité. Lorsque des délais successifs ont été, à la demande de l’Angleterre, accordés à l’Allemagne pour le désarmement terrestre, la France n’a pas pu se défendre de penser que nos amis britanniques avaient été, avec raison, plus fermes dans l’exécution du désarmement naval. Lorsqu’enfin notre pays a vu la politique suivie, depuis bientôt un an et demi, par les cabinets français, au sujet des réparations et des garanties, il n’a pu supposer qu’une conduite aussi contraire à ses vœux et à ses intérêts fût libre et spontanée, et il a été, non sans un peu d’humiliation, forcé de conclure qu’au lieu de naviguer par nos propres moyens, nous étions remorqués.

Le jour où un de nos ministres s’était émancipé jusqu’à faire occuper Francfort, M. Lloyd George s’était promis, non seulement d’éloigner le plus tôt possible nos troupes de cette ville, mais d’établir désormais au profit de l’Angleterre, dans l’exécution du Traité, l’unité de commandement. Il n’avait plus semblé avoir d’autres desseins que de nous modérer et de nous empêcher d’agir, d’amener l’Allemagne à composition par la bienveillance et la douceur, de la gagner par les présents, et de nous prier de faire les frais de cette réconciliation. De là, cette idée du forfait et de l’amputation arbitraire de notre créance, dont j’ai dénoncé ici, dès le début, l’inquiétante inspiration et les conséquences périlleuses. De là, cette crainte que la France ne se laissât aller sinon à des ambitions impérialistes, dont M. Lloyd George la sait incapable, mais à la saisie de quelques gages et à de nouvelles