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notre langue. Au XIXe siècle, même après nos revers, on parle français au Congrès de Vienne, on parle français dans les négociations de Francfort, on parle français au Congrès de Berlin, aux Conférences de Madrid, d’Algésiras, de La Haye. A Versailles, à Saint-Germain, à Sèvres, à Trianon, notre souveraineté linguistique a été démembrée. Vaincus, nous l’avions conservée ; vainqueurs, nous avons dû la partager.

Concession de pure forme ? Non pas. Premier signe des concessions qui nous ont, tout de suite, été arrachées sur le fond. Voisine d’une Allemagne agressive, la France aurait eu intérêt à ne pas voir, du moins, cette Puissance redoutable fortifiée, dans le traité de paix, par la consolidation de son unité. L’Empire, né de notre défaite, était encore, en 1914, une agglomération d’Etats qui conservaient, au moins, un semblant d’indépendance. Nous aurions trouvé, dans une constitution fédérative, un peu plus de sécurité que dans un Reich centralisé. On nous a opposé une prétendue volonté populaire qui ne s’était, du reste, manifestée nulle part ; on a allégué qu’une Allemagne unifiée serait une débitrice plus solvable ; et on nous a amenés, par une série de sophismes, à consacrer nous-mêmes l’indivisibilité de l’Allemagne.

Mais puisqu’on invoquait, à tort ou à raison, les droits des nationalités pour laisser la Prusse absorber ainsi les autres États de l’Allemagne, la justice et la logique eussent voulu qu’on fît, en revanche, sortir de l’Allemagne les provinces dérobées aux pays voisins. On n’a pas osé ne pas admettre ce principe général, mais on en a entouré l’application de formalités ou de restrictions qui l’ont trop souvent rendu illusoire. Il eût été naturel qu’on rendît à la France l’Alsace et la Lorraine telles qu’elles nous appartenaient avant la spoliation de 1815 ; nos alliés ne l’ont pas voulu ; on nous a strictement restitué ces provinces dans leurs frontières rétrécies de 1870. On a soumis à un plébiscite des cercles wallons comme ceux d’Eupen et de Malmédy ; on n’a pas osé détacher de l’Allemagne, sans une consultation nouvelle, les duchés qu’elle avait pris au Danemark, et ainsi il est arrivé que, dans une partie du Slesvig, le voleur a été favorisé par l’usage qu’il avait fait du bien volé. Enfin, sous l’influence prépondérante du Cabinet britannique, on a marchandé à la Pologne les moyens de renaître. On ne lui a pas donné le débouché maritime que lui avait promis le Président Wilson ; on a soumis le port de Dantzig à un régime hybride qui a mécontenté, à la fois, l’Allemagne et la Pologne ; et pour la Haute-Silésie, qui, d’après toutes les statistiques