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Chronique30 mai 1921

CHRONIQUE DE LA QUINZAINE

Le regrettable malentendu qui a éclaté, à propos de la Haute-Silésie, entre M. Lloyd George et le Gouvernement français, n’était malheureusement que trop facile à prévoir. Il y a de longs mois déjà que, dans toutes les questions qui touchent à la Pologne, la politique des Alliés est mal accordée ; et, du reste, à quiconque ne ferme pas les yeux à l’évidence, les « surfaces de friction » apparaissent chaque jour plus nombreuses entre l’Angleterre et la France. L’Entente cordiale, Dieu merci ! n’est pas en péril, mais, si nous voulons la maintenir intacte, nous devons nous rendre exactement compte des petits dissentiments qui la menacent, et rechercher loyalement les moyens de la fortifier. Ce serait faire injure au caractère britannique que de n’avoir pas le courage de parler franchement, dans une crise dont l’issue dépend, en grande partie, de notre sincérité. Les plus solides amitiés sont faites de confiance mutuelle, et c’est un déplorable système que de vouloir ruser et jouer au plus fin avec ceux dont on tient à garder l’estime.

Avant la guerre, l’Entente cordiale n’était consacrée par aucun acte diplomatique. L’accord de 1904, qui avait réglé les litiges pendants entre la Grande-Bretagne et la France, n’avait pas, par lui-même, le caractère d’une alliance. C’est la pratique qui a peu à peu établi, entre les deux nations, de tels rapports d’intimité que, pour l’examen de tous les grands problèmes européens, leurs chancelleries cherchaient naturellement à se concerter. Après l’attentat de Serajevo, lorsque l’attitude de l’Autriche et de l’Allemagne devint inquiétante pour la paix du monde, rien ne nous permettait de préjuger les résolutions de l’Angleterre. Elle n’avait aucun engagement envers nous. La ville de Londres avait chaleureusement acclamé la France, en 1913, dans la personne du