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avait bien démêlé que le gouvernement sert de refuge, quelquefois, à des volontés alarmées.

Encore, si les gouvernés étaient sages ! Mais voici Mézuche, de son métier canneur de chaises. Il est six heures : Mézuche a travaillé ses huit heures ; et bonsoir ! « Sais-tu, Mézuche, ce que tu ferais, si tu étais chic ? Tu finirais ta chaise. J’ai promis de livrer demain matin. En vingt minutes, ce serait fait ! » Non : Mézuche est un citoyen libre et, libre, ne considère pas qu’il ait le droit de travailler vingt minutes, ses huit heures passées. Donc Mézuche rentre chez lui et, pour le plaisir, se livre à une besogne qui le contraint à suer sang et eau. « Tu n’es donc pas un homme libre ? — Oh ! pardon, ça, ce n’est pas mon travail ! » L’illusion de la liberté est la pire des servitudes, comme l’illusion du gouvernement le triomphe de l’incurie.

Laissons la politique et ses vains tracas. M. Ponceau, qui est veuf et ne s’en console pas, a commandé au peintre Franqueau un portrait de la défunte. Le seul témoignage est une photographie : M. Ponceau la commente. « C’est ça, dit-il, c’est tout à fait ça ! » tandis que travaille le peintre. Et les yeux, de quelle couleur ? « Bruns ; c’est ça : un ton de chêne encaustiqué... » Les cheveux ? « Acajou foncé, comme les montants de votre Psyché... » Vous serez touchés du soin que met M. Ponceau à retrouver autour de lui les nuances qu’il a chéries. Le peintre sort, le temps d’aller chercher des tubes d’outremer. Cependant vient une petite, et qui prend M. Ponceau pour le peintre. Elle est modèle. Et, si l’on ne veut pas d’elle, ce n’est pas de chance : elle pleure. « Vous me chavirez le cœur ! » s’écrie M. Ponceau. La petite s’en va. Et, quand revient le peintre, M. Ponceau n’a qu’une idée, qui est d’aller consoler la pauvre petite. « Mais les yeux, les cheveux ?... — Chêne encaustiqué, acajou foncé !... » M. Ponceau est parti.

Nos conteurs gais sont enchantés de souffler sur nos sentiments, nos mélancolies et nos allégresses, comme sur la poussière la plus légère et qui s’envole au moindre souffle. C’est leur jeu, où ils s’amusent. Les contes de M. Miguel Zamacoïs sont très bien faits, et joliment écrits, avec un sérieux qui rend le badinage très agréable et qui vous intrigue avant d’avouer qu’il s’agissait de vous divertir.


Faut-il compter Mme Gyp au nombre de nos conteurs gais ? Il y a une gaieté, une verve, un entrain merveilleux, dans la centaine de volumes qu’elle a publiés et qui laissent le plus aimable souvenir. Elle a vu, noté, croqué tous les travers de notre époque. Elle a traité ses