mesure. Peut-être, au surplus, la jalousie n’est-elle qu’un phénomène de curiosité imprudente.
Il y a, dans le même recueil, une histoire d’amour, et que voici. Un gentil garçon de Paris, — Gaston, par exemple, — a une bien-aimée qui, un beau jour, le quitte, ne l’aimant plus. Elle prie MM. Max et Alex Fischer d’annoncer à ce Gaston qu’elle est partie. Ces connaisseurs malins du cœur des hommes et des femmes craignent de froisser le subtil amour-propre de l’amant délaissé : ils lui disent que la pauvrette, l’aimant trop, l’a soupçonné de lui être infidèle et enfin s’en est allée pour se tuer. Gaston n’en doute pas et : « Parfaitement ! répond-il. Jalouse ! Elle était jalouse de la petite dame brune qui demeure au quatrième... » Après cela, Gaston se lie avec la petite dame brune. Celle-ci l’aime et, provisoirement, ne se tue pas. Quand une femme s’est tuée pour vous, comment apprécieriez-vous la tendresse d’une autre femme qui ne songe point à se tuer pour vous ? Gaston n’est point heureux. Il interroge sa deuxième bien-aimée : « Adrienne, m’aimes-tu ? — Mais oui, je t’aime. Et, si je ne t’aimais pas, serais-je ici ?... » Gaston ne croit pas de tout son cœur à un si placide amour. Adrienne s’en va, comme l’autre s’en est allée, parce qu’en vérité Gaston l’ennuie. Elle laisse à l’ennuyeux un mot, sur un bout de papier, la simple vérité. Gaston sanglote et, parmi ses larmes, dit à M. Max ou à M. Alex Fischer : « Ah ! c’est atroce ! Tu comprends bien que je n’accorde aucun crédit à cette histoire. Mon Dieu, que je suis donc à plaindre ! Tant qu’Adrienne ne s’était pas suicidée elle aussi, je ne pouvais savoir si la pauvre chérie m’aimait... Il est trop tard, il est hélas ! trop tard, à présent, pour que je puisse profiter de son amour !... » Peut-être, au bout du compte, l’amour n’est-il qu’un phénomène de fatuité parfois bien exigeante.
Les romans et les contes de MM. Max et Alex Fischer sont un précieux trésor de telles anecdotes, où l’on voit la plupart des idées et des sentiments qui se prêtent le mieux à l’emphase réduits à la petitesse la plus comique. Et la p us vraie ? Si vous l’admettez, vous adhérez à la philosophie pessimiste de MM. Max et Alex Fischer.
Ils ont un art très ingénieux et persuasif. Ils ont un air de plaisanter d’abord ; et l’on n’est pas sûr qu’ils cessent de plaisanter au moment où l’on s’aperçoit que leurs conclusions risquent de vous attrister. Vous attrister ? Ils ne le veulent pas et continuent de sourire. Allons, souriez comme eux ! Ils ont une manière de conter si preste et si rapide que vous n’avez pas le temps de chicaner votre plaisir ; et ils ont une manière d’inventer à leur guise des incidents si