Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 63.djvu/704

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Donc, il s’en va, et ses parents consentent qu’il s’en aille pour deux ou trois semaines, en Bretagne. Au casino de Dinard, il perd, le premier soir, tout l’argent de son voyage. Rentrera-t-il incontinent à la maison ? Pour qu’on le marie ? Ah ! mais, non. Seulement, le temps n’est plus « où les enfants prodigues n’avaient qu’un tour à faire dans la campagne pour trouver une place de gardeur de pourceaux. » Robert, l’enfant prodigue du Vésinet, trouve pourtant un emploi de précepteur dans une étonnante famille Orega, qui a probablement une sorte de nationalité originelle aux alentours de l’équateur et de l’autre côté de l’Océan. Le petit Orega se conduit mal, reçoit des cadeaux d’une petite fille délurée qui vole des bijoux et de l’argent pour conquérir ses bonnes grâces ; le petit Orega joue à la roulette, par l’intermédiaire de son précepteur : et Robert est cassé aux gages. Le voilà derechef bien dépourvu. Il se promène et, à l’auberge, rencontre un ivrogne tout plein de bonhomie, de gentillesse, qui était comptable chez un marchand de chevaux et entrepreneur de transports, à Caen ; mais on l’a congédié, parce qu’il profitait d’un certain coulage qu’il y avait dans la fourniture de l’avoine. Enfin, la place de l’ivrogne est à prendre. Et Robert la prend, tombe chez des gens fort aimables, les Gaudron : le mari cherche son plaisir aux environs ; la femme ne cherche pas, mais accueillera, le consolateur, notre futile Robert. Suit le temps des amours et d’un adultère à peu près ingénu. Après cela, Robert, qui avait oublié ses parents, son péril de mariage et la tranquille maison du Vésinet, se souvient du passé, le regrette, se sauve et retrouve ce qu’il croyait ne plus aimer, ce qu’il aime, son père et sa mère : non la jeune fille menaçante, par bonheur ! elle est mariée. Mais il retournera bientôt à Caen et, chez les Gaudron, fera sans doute une carrière d’ami, d’amant, d’associé.

Voilà ce petit roman ; le voilà, du moins, en résumé. Ce qui est charmant, ce qui est d’une gaieté exquise et que le résumé ne montre pas, c’est le tour aisé, à la fois moqueur et indulgent, d’un récit dont la nonchalance même a de la grâce et dont les aventures ont la vivacité la plus amusante. Les divers milieux où Robert nous présente sont très comiques : ses parents, commerçants de Paris, cossus et honnêtes ; les Orega, merveilleux rastaquouères ; et les Gaudron, de Caen, qui font la fête provinciale. Comment Robert évolue parmi ces étranges bonshommes et affriolantes dames, sans timidité, sans impertinence, voyageur à qui réussissent les navigateurs et les naufrages, c’est le plaisir d’une lecture que l’on a toute