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musique ne plaisait davantage aux hôtes nonchalants de ces bords heureux. Là plus que partout ailleurs, le monde était lui-même : aimable et frivole. Les salons de Cannes et de Nice applaudissaient Mme Conneau, quand, de sa voix si tendre et qui semblait sourire comme ses lèvres et comme ses yeux, elle chantait le Printemps de Gounod, ou bien, de Massenet, la nostalgique élégie : « Que l’heure est donc brève, qu’on passe en aimant ! » Mais on acclamait la belle cantatrice après certaine canzone alla napoletana, que moi-même je ne me lassais pas d’entendre et d’accompagner :


Era Lucia, la bella Lucia,
Vagheggiata da Beppo il marinar

……………….

Ma fè Libeccio la guerra al brigantin,
Ah ! pescator, qui sull’ Ave Maria,
E morta Lucia, la bella Lucia.


Je n’ai pas non plus oublié l’air, et j’aimerais pouvoir vous le citer comme la chanson, avec certaine note profonde qui sonnait, à la basse, le glas de la belle Lucia. Sans doute ce n’était pas là du Schumann ou du Schubert. Cela ne valait pas non plus les mélodies françaises d’un Gounod, d’un Paladilhe et d’un Fauré, sur un sujet analogue et sur les vers de Théophile Gautier : « Ma belle amie est morte. » Mais dans ce pays, sous le ciel et devant la mer latine, c’était, comme disent les peintres, « bien en place. » Et j’ajouterais volontiers avec Paul Bourget, dans son Paradoxe sur la musique : « Allez donc chanter ces airs-là dans le Nord ! Autant vaudrait essayer d’y planter des orangers. » Les orangers faisaient pardonner aussi, que dis-je, aimer la sérénade, alors fameuse, du violoncelliste Braga. « Povero Braga ! » répondait avec modestie » aux personnes qui le complimentaient, l’auteur, un vieux petit homme, alerte et malicieux. Elle était à plusieurs fins, la sérénade : pour piano et violoncelle, pour chant, violoncelle et piano. Mais la transcription favorite unissait aux deux instruments la voix, qui parlait, au lieu de chanter, de Mme Pasca. Et l’on comprenait le pouvoir de la déclamation appliquée à la musique, ou sur la musique, en écoutant cette voix pure et profonde réciter, au murmure de la cantilène italienne, des vers d’Alexandre Dumas fils, un poème d’amour et de mélancolie.