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SOUVENIRS DE MUSIQUE ET DE MUSICIENS

II [1]
AU CONSERVATOIRE

Rien ne me plaît du Conservatoire actuel. J’entends rien des choses et des lieux, parce que je n’en ai rien connu. Je n’y entre jamais sans regretter l’autre, le mien, dont j’ai tout aimé, jusqu’aux vieilles murailles. D’abord, à l’origine du nouvel établissement de notre grande Ecole, il y a quelque chose d’illégitime et d’inique. Une injustice d’Etat fait ici de la musique et de la poésie plus que des étrangères, des usurpatrices. Elles n’y sont pas chez elles comme elles l’étaient là-bas, et depuis si longtemps. Non pas certes qu’il fût brillant, leur ancien, très ancien logis. Pauvre, mais honnête, il n’avait pas du moins cet air, officiel et compassé, de froideur et d’ennui. Sa pauvreté même et, si l’on veut, sa laideur, était accueillante et familière. Parmi des souvenirs sans nombre, il en comptait de glorieux. De mon temps, les examens, — sauf les concours de fin d’année, — avaient lieu dans une petite salle qui donnait sur le faubourg Poissonnière. Elle a été démolie en même temps que les autres bâtiments de l’Ecole, dont la grande salle des concerts a seule été conservée. Consacrée dans l’origine aux Exercices d’élèves, elle reçut d’illustres visiteurs. Le général Bonaparte s’y est assis. Lucien, frère de l’Empereur, y présida une distribution de prix et l’impératrice Joséphine y parut. En 1800, trois séances annuelles y furent

  1. Voyez la Revue du 15 mai.