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dix-neuvième siècle, au début du vingtième, pouvait être celui de la Pologne. Malheureusement, la Pologne n’avait pas la puissance dont fut douée si longtemps la Russie autocratique

Vaste contrée, touchant, au Nord, à la mer Baltique, descendant au Sud-Est vers la Mer-Noire, dont le littoral était turc, s’étendant, du côté de la Russie, vers le Dnieper, et atteignant presque l’Oder du côté de l’Empire, la Pologne, avec son annexe du grand-duché de Lithuanie, était quasi sans gouvernement. Tout a été dit sur son anarchie, sa noblesse « constituant à peu près tous les ordres de l’Etat, » cohue disparate de gentilshommes égaux entre eux ; sur ses châteaux, vieux manoirs souvent rajeunis à l’italienne ou à l’orientale, vers lesquels pendant l’hiver, — l’hiver est la saison des longues beuveries, comme l’été celle de la politique, — accourent en traîneaux d’innombrables invités, clients nourris par le magnifique maître du lieu et qui rempliront la maison, nuit et jour, du bruit des fêtes, des brusques querelles et des non moins brusques réconciliations.

Régner dans un lointain pays, au sommet d’un Etat anarchique, ne devait pas sembler très enviable à un prince témoin de la puissance de Louis XIV. C’était de plus renoncer aux splendeurs de la cour de France, aux plaisirs de Paris. Regnard avait fait, en 1683, le voyage de Pologne, et, par les récits du poète, Conti pouvait connaître un peu Varsovie. « Cette ville, disait Regnard, est assise sur la Vistule, qui vient de Cracovie et qui apporte bien des commodités de Hongrie, et particulièrement le vin le plus excellent qu’on puisse boire. Il n’y a rien de remarquable que la statue de Sigismond III, mise par son fils Uladislas, qui est à l’entrée de la porte, sur une colonne de jaspe... La figure est dorée de plus d’un ducat épais. La ville est très sale et très petite, et ne consiste proprement qu’en sa grande place, au milieu de laquelle est la maison de ville et autour quantité de boutiques d’Arméniens, fort richement garnies d’étoffes et de marchandises à la turque, comme arcs, flèches, carquois, sabres, tapis, couteaux et autres. Il y a une très grande quantité d’églises et de couvents. » Regnard parlait aussi du château dans lequel il avait remarqué « une très belle tapisserie relevée d’or, apportée de France » par Henri III, et dont « une partie avait été engagée aux habitants de Dantzick » par un de ses successeurs, pour subvenir aux nécessités de l’Etat ; du palais Casimir « bâti par la Reine défunte, » alors « si