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Ils eurent, pour se consoler, l’aubaine d’une grande bataille, car le maréchal de Lorge, malgré sa jonction avec le Dauphin, n’entreprit rien en Allemagne, et c’est en Flandre, à Nerwinde, que se donnèrent les grands coups. Nerwinde ! Ce nom évoque l’une des plus belles victoires de Luxembourg, des bataillons français impassibles sous le canon, Guillaume stupéfait proférant le cri célèbre : « Ah ! l’insolente nation ! » des combats furieux dans un village, des rues comblées de cadavres, des escadrons se sabrant dans une plaine.

Au début de cette journée du 29 juillet 1693, Conti mène la droite française à l’assaut des bourgs fortifiés de Rumpsdorp et de Néerlanden, fausse attaque qui doit permettre à l’aile gauche d’enlever Nerwinde plus fortifié encore. De toute la ligne, part un feu terrible. Les vieux officiers de notre armée n’ont « jamais vu une canonnade pareille, ni essuyée si longtemps et de si près. » Emportés trop loin par leur ardeur, les dragons pénètrent jusqu’au dernier retranchement de Néerlanden, une barricade dressée à travers une rue, et sont repoussés à leur tour. Conti rétablit le désordre, les ramène par des défilés, les rallie à Rumpsdorp.

Sur la gauche, du côté de l’attaque réelle, Laër et Nerwinde, véritables bastions reliés par un fossé profond et un parapet à Rumpsdorp et à Néerlanden, sont pris et perdus. Nerwinde est repris et reperdu.

On se battait depuis l’aurore, et il était près de midi. Fallait-il renoncer à acheter la victoire au prix de trop lourds sacrifices ? Comme la plupart des lieutenants généraux, le prince de Conti le pensait. Saint-Simon aperçut alors « dans un petit fond où le canon ne pouvait les incommoder de volée, mais seulement de bond » , les maréchaux de Joyeuse, de Villeroy et de Luxembourg, Albergotti, Montmorency, le Duc de Chartres, le Duc de Bourbon et le prince de Conti. « Le colloque, dit-il, fut vif à les voir et assez long, puis ils se séparèrent. » Conti venait de soutenir son opinion qui était d’abandonner l’entreprise, mais le duc de Chartres avait insisté pour qu’elle fût recommencée avec des régiments qui n’avaient pas souffert, et son opinion était celle de Luxembourg. Nerwinde va être attaqué de trois côtés à la fois, sur la gauche par Conti, de front par Monsieur le Duc. Luxembourg se réserve la droite du village.