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du 27 où l’Empereur proteste devant le Prince-régent et menace de l’opprobre de sa mort la famille royale d’Angleterre, Lowe se trouble : il perd la tête ; il craint que Gourgaud n’ait menti, ou ne se soit abusé. Le 9 mai, il lève les consignes, il rend à O’Meara la liberté de sortir de Longwood, mais pour aller où ? O’Meara n’avait qu’une distraction : se rendre au camp de Deadwood, voir ses camarades officiers du 66e régiment, et diner à leur mess où il avait été admis comme membre honoraire. Lowe l’en a fait exclure, et il contraint à se rétracter certains officiers qui ont témoigné de l’estime à O’Meara.

Cependant, les dépêches qu’il a adressées à lord Bathurst produisent leur effet. Sur les confidences que le général Gourgaud a faites, d’abord à Sainte-Hélène, puis à Londres, lord Bathurst s’est convaincu que « la santé du général Buonaparte n’avait en aucune manière souffert de sa résidence à Sainte-Hélène, que l’enflure des jambes n’avait été ni plus fréquente, ni plus étendue qu’elle ne l’était habituellement, et que les rapports fournis par M. O’Meara étaient très mensongers. » Lord Bathurst revient donc sur la défense qu’il a faite au gouverneur d’éloigner O’Meara de Longwood. « L’information donnée par le général Gourgaud, écrit-il à Lowe, le 18 mai, a changé la situation des choses, et je ne vois plus aucune difficulté à vous permettre de lui retirer des fonctions auxquelles il s’est montré si impropre. Je ne crois pas que vous soyez autorisé à saisir ses papiers, mais vous pouvez, si vous le jugez à propos, l’envoyer chercher, lui annoncer le contenu de mes instructions et, cela fait, lui interdire de voir le général Buonaparte ou toute autre personne de sa suite, excepté en présence d’un officier anglais. »

Ces dépêches de lord Bathurst, en date des 16 et 18 mai, parviennent à Sainte-Hélène le 23 juillet. Malgré que Lowe sût, par les rapports d’O’Meara et de l’officier d’ordonnance de service à Longwood, que l’Empereur a été malade dans la nuit du 10 ; malgré qu’il n’en pût douter, puisque Napoléon a consenti à voir un consultant, et qu’il a désigné M. Stokoë, chirurgien du Conqueror, Lowe, le 25, fait signifier à O’Meara « qu’il ait à se retirer de la place qu’il occupait près du général Buonaparte, et à s’interdire toutes relations avec les habitants de Longwood. »

Cette injonction n’arrête point O’Meara, qui se présente chez l’Empereur et est aussitôt reçu. « Le crime se consommera plus vite, dit Napoléon ; j’ai vécu trop longtemps pour eux. » Il