nation si seule, si perdue, sur les frontières de la civilisation !... Nous ne voulions pas regarder dans leur âme, niaisement satisfaits que nous étions de les voir se déguiser en magyars, parler notre langage, prendre quelques-unes de nos habitudes et beaucoup de nos défauts.
« Au bout de deux générations, ces Juifs sauvages de Galicie devenaient chez nous des personnages. Avec ce sentiment de la famille et de la race si développé en eux, ils se poussaient les uns les autres, prenant pour eux toutes les professions capables d’assurer la fortune et la puissance, et nous abandonnant la pompeuse misère de l’administration, les emplois honorifiques et tous les métiers inférieurs. Voulez-vous quelques chiffres ? Dans la Hongrie d’avant-guerre, on comptait à peu près cinq Juifs par cent habitants. Mais sur cent médecins, ingénieurs, avocats ou journalistes, cinquante étaient des Juifs ; sur cent commerçants, cinquante-six ; sur cent éditeurs, cinquante-sept ; sur cent employés de commerce et d’industrie, plus de la moitié encore ! En revanche, on n’en rencontrait aucun dans les professions pénibles. A peine auriez-vous pu trouver un forgeron, un maçon, un domestique Israélite sur cent ouvriers de cette sorte. A la campagne, le quart de la propriété était tombé entre leurs mains, alors qu’en toute équité ils n’auraient dû en posséder qu’à peine le vingtième. Et là, vous n’auriez pas découvert un seul Juif sur cent ouvriers agricoles... Notre malheureuse nation est devenue à la lettre un pays de fonctionnaires, de hobereaux et de paysans, dominé par une élite de financiers, de commerçants et d’intellectuels juifs. C’est pour le bien de la Hongrie, disaient-ils ! Longtemps nous l’avons cru nous-mêmes. Et cela est peut-être vrai, si l’on tient pour un profit un certain progrès matériel, une certaine adaptation aux formes soi-disant supérieures de la civilisation occidentale. Ils ont bâti cette ville de Pest, dont, hier encore, nous étions fiers, et qui s’élève dans notre plaine comme une verrue monstrueuse, un affreux conglomérat de tous nos défauts et des leurs. Ils nous ont jetés dans le courant des grandes affaires de l’Europe, en développant chez nous une vie financière si intense qu’il n’y a plus une oie, plus une poule qui ne ponde pour leur banque. Ils ont également entrepris de dresser notre mentalité aux idées de l’Occident, car la pensée est pour eux une affaire, une occupation profitable comme l’exploitation d’une marque d’autos ou