Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 63.djvu/63

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

assure l’impression et le débit, et qui en partage le bénéfice, les divers écrits que l’Empereur entend livrer à la publicité : les Lettres du Cap ; les Observations sur le discours de Lord Bathurst, le Manuscrit de l’Ile d’Elbe, les Lettres de Sainte-Hélène. Pense-t-il recevoir, pour l’Europe, quelque mission bien rentée ? Cela est possible, mais Lowe ne sait rien de ces correspondances qui lui fourniraient une excellente raison pour renvoyer O’Meara. Bien qu’il doute fort que l’Empereur soit malade, il est obligé de reconnaître qu’il peut l’être, qu’il l’est, puisqu’O’Meara, qui seul le voit, l’admet, — et quelle responsabilité s’il lui enlève son médecin !...

Mais si l’Empereur n’était pas malade ? Si sa maladie n’était qu’une fable inventée par lui, propagée par ses affidés, certifiée par O’Meara dans le dessein d’éveiller chez les Souverains, les scrupules, la pitié ou simplement le sentiment de leur responsabilité ? Si cette affirmation : « Napoléon est atteint d’une maladie de foie, imputable au climat de Sainte-Hélène, » n’était qu’un mensonge concerté en vue d’obtenir un autre lieu de relégation ? Le gouverneur le soupçonne ; Baxter, qui n’a jamais vu l’Empereur, l’affirme, et voici un des compagnons de l’Empereur qui, sortant de Longwood, vient déclarer que tout ce qui a été dit au sujet de la maladie, est une comédie concertée entre les habitants de Longwood, que la santé de Napoléon ne donne aucune inquiétude, que jamais l’Empereur ne s’est mieux porté.

Au début de février 1818, le général Gourgaud a, par O’Meara, fait savoir à Sir Hudson Lowe qu’il demandait à être renvoyé en Europe. En attendant que le gouverneur ait décidé s’il le fera passer par le Cap, ou s’il le renverra droit en Angleterre, Gourgaud parle. Il raconte ce qui s’est dit et ce qui s’est passé à Longwood ; il dément formellement que l’Empereur ait été malade ; il annonce que l’Empereur s’évadera quand et comme il lui plaira ; il se vante qu’on a fait passer en Angleterre les Observations sur le discours de Lord Bathurst. Tout ce qu’il a appris, ou surpris, il le livre. Et, comme un des points essentiels est qu’il nie la maladie, O’Meara en devient de plus en plus suspect, car il annonce et il certifie chaque jour une maladie que Gourgaud proclame une comédie.

Baxter, dans ces bulletins qu’il rédige sur les conversations qu’il prend à O’Meara, qu’il ne montre pas à celui-ci, et qu’il porte directement à Lowe, affirme qu’il n’y a point de maladie. L’Empereur apprend qu’il se répand de tels bulletins : on lui