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Toutes les usines occupant plus de dix ouvriers, avaient été socialisées. Les directeurs, les ingénieurs pouvaient y conserver leur place, s’ils acceptaient le nouvel ordre de choses, et dans ce cas on leur donnait le salaire maximum de trois mille couronnes par mois. Mais il restait entendu que le jour où le régime aurait atteint son point de perfection, ils ne seraient pas plus payés que les autres ouvriers. Naturellement les bénéfices étaient attribués à l’Etat. Mais de bénéfices, il n’y en eut point. Tout revenait à des prix fabuleux ; et pour ne citer qu’un exemple, une pièce de vingt centimes coûtait à l’Etat fabricant le double de sa valeur nominale. Bientôt les Commissaires du peuple durent reconnaître, eux-mêmes, que leurs méthodes ne donnaient pas ce qu’ils avaient espéré. « Quand j’examine les résultats, déclare le commissaire Varga dans une séance du Conseil économique, je suis bien obligé de constater qu’ils sont le plus mauvais possible. En ce qui concerne les mines, la production a diminué de moitié. En ce qui touche l’industrie, les pertes vont de trente à plus de soixante pour cent. Et si j’en recherche les causes, je ne les trouve pas seulement dans le manque de charbon et de matières premières, mais dans le fléchissement du travail individuel. Sous le régime capitaliste, si l’ouvrier ne fournissait pas le rendement qu’on exigeait de lui, il était tout simplement renvoyé. Nous avons renoncé à cette brutale discipline ; une autre conception est en train de se former, mais elle est lente à s’établir. Quand l’ouvrier comprendra-t-il que, sans un travail assidu, il ne saurait satisfaire à ses besoins ? En attendant, force nous est de revenir à une diminution des salaires pour une tâche insuffisante... » Aux derniers jours du bolchévisme, la production était tombée si bas que pour la relever un peu, on se remit à payer les ouvriers, non plus à la journée ou à l’heure, mais aux pièces et suivant le travail qu’ils avaient réellement effectué. C’était rétablir dans les faits l’ancien régime du salariat qu’on avait voulu supprimer.

Même aventure en matière de finances. La saisie de l’argent et des valeurs dans les banques, la vente des stocks de marchandises qui emplissaient les magasins, la confiscation des biens d’église, fournirent d’abord quelques ressources. Mais cet argent fondit vite à payer aux ouvriers des salaires exorbitants, et aussi à entretenir les innombrables fonctionnaires soviétiques, qui, du jour au lendemain, avaient surgi par miracle. (C’est, en