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Lowe était chargé d’une enquête à ce sujet. O’Meara nia, avec une vivacité extrême, qu’il eût la moindre accointance avec ce journal ; mais il ne nia point sa correspondance avec Finlaison ; il s’en vanta même, et il y prêta presque un caractère officiel. Hudson Lowe n’admettait pas que qui que ce fût empiétât sur ses fonctions ; il portait fort loin la jalousie de ses droits, et convaincu que, seul, il avait charge et mission de fournir au ministre des Colonies des informations sur son prisonnier, il enjoignit à O’Meara de cesser toute correspondance avec l’extérieur, et de lui réserver, pour l’en faire profiter, tous les renseignements qu’il pourrait se procurer. Rien ne pouvait mortifier davantage O’Meara, désireux de jouer un rôle, de se procurer, par Finlaison, des relations brillantes, de se créer des titres près des ministres et d’en tirer des avantages. S’il devait y renoncer, qu’avait-il à attendre de l’exil, de cette sorte de déportation qu’il s’était condamné à subir ? Qu’avait-il à attendre des Anglais ? Les deux hommes se quittèrent en pleine défiance l’un vis-à-vis de l’autre.

Pourtant, durant six mois encore, O’Meara fit assez bonne contenance, et de décembre 1816 à mai 1817, il ne manqua pas une occasion d’adresser au gouverneur des communications pour lui rendre compte, non seulement de la santé du captif, mais de ses actes, de ses paroles, de ses colères, des paroles et des actes des gens de sa Maison. Il écrit à Hudson Lowe « qu’il a été invariablement animé par le désir d’être explicite et de donner une complète connaissance des faits, toutes les fois qu’il pouvait le faire d’accord avec la vérité, et avec ses souvenirs. »

A la fin de mai 1817, nouvelle escarmouche. O’Meara s’est fait communiquer par le maître de la poste des journaux nouvellement arrivés, et il les a prêtés à Napoléon : reproches violents de Lowe. O’Meara, cherchant sa revanche, adresse à Finlaison des plaintes et des dénonciations contre le gouverneur. Mais la rupture n’est pas encore accomplie. Ainsi, à la mi-juillet, sur la demande de Lowe, O’Meara expose quelles modifications pourraient être apportées aux restrictions imposées aux Français, quant à leur correspondance et à leurs promenades. Il suggère d’abord que les Français pourraient être autorisés à communiquer, par lettres cachetées, avec les habitants de l’Ile. Lowe se récrie. O’Meara répond que le gouverneur pourrait toujours ouvrir les cachets. « A quoi servirait,