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à symboliser le combat, mais aussi à symboliser la Victoire.

C’est encore plus sensible dans la statue de plâtre de M. Cipriani, un soldat dressé de toute sa hauteur, tête nue, haussant sa canne en l’air comme un drapeau, les pieds sur un aigle terrassé découronné du diadème impérial allemand, le tout intitulé : 11 novembre 1918. Et encore dans le projet de monument de M. Alloy, où le poilu est figuré devant une grande Victoire qui tient deux couronnes. Ce sont encore des poilus, qui portent sur leurs épaules une image de la France ou de la Justice, dans le monument aux soldats morts de M. Rousaud. Mais, d’ordinaire, et dans des œuvres les plus marquantes, la victoire est figurée plutôt par la traditionnelle figure de femme ailée qui nous a été léguée par l’antiquité et où nous reconnaissons la présence de la force, de la divinité, de la bienfaisance. La plus importante de ces figurations est la grande statue de bronze, la Victoire apportant la paix, de M. Rivoire : calme, auguste et pleinement équilibrée, donnant la sensation du définitif, elle lève la main droite dans un geste mesuré de protection et de bienvenue, et de la gauche elle tient, comme un nid serré sur sa poitrine, un casque de poilu où repose une colombe avec le rameau d’olivier. A le décrire ainsi, ce détail peut sembler affecté et puéril : il faut le voir. Le rythme parfait de ce geste, tout animé d’un souffle antique, le sauve de toute ironie.

C’est également par une allégorie que M. de Monard, avenue d’Antin, a représenté la France victorieuse, pour le monument de Bois-le-Roi. C’est, enfin, la figure traditionnelle de la Niké, que M. Pierre Poisson a choisie comme motif principal de son Projet de monument aux morts et à la Victoire, exposé dans la salle I du Salon de l’avenue d’Antin. C’est une sorte de Victoire de Samothrace ; elle marche d’un pas rapide, le buste projeté en avant, les cheveux dénoués et flottants. A sa suite, ses deux grandes ailes s’abaissent, protectrices, sur deux files de figures plus petites. D’un côté, des combattants à l’antique, de l’autre des moissonneurs, un nautonier, parmi les guirlandes et les fruits de la paix, se développent comme des bas-reliefs et, au bout, une pleureuse voilée relève la ligne fléchissante du monument. Ce n’est qu’une maquette, mais l’entrain, la vigueur, le sens décoratif de l’ensemble, l’invention en un mot, s’ils sont appuyés d’une technique suffisante, font très heureusement