Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 63.djvu/585

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fait historien d’art. Il a rédigé une sorte de catéchisme auquel on se reporte en toutes les occasions et dont on sert les réponses avec l’automatisme de la foi, sans s’inquiéter de les contrôler le moins du monde. Le jour où l’on s’avisera de les confronter avec l’expérience, on constatera ceci : de tout temps, les beaux portraits, si nouveaux fussent-ils d’intention ou de facture, ont été reconnus, compris, célébrés par tout le monde, — leurs modèles exceptés. S’il arrivait que M. Anatole France fût mécontent du sien et que nul autre ne le fût, ce ne serait pas trop mauvais signe. Mais que tout le monde le soit et que nul ne parvienne à y retrouver quelque chose de la fine et pensive physionomie du modèle, voilà qui n’est pas bon. « Personne ne s’informe si les portraits des grands hommes sont ressemblants, il suffit que leur génie y vive ! » disait superbement Napoléon. Soit, Regardez celui de M. Anatole France. Son génie y vit-il ? La réponse n’est pas douteuse. Et il est pénible de penser que, dans l’avenir, pour s’en faire la plus lointaine et la plus faible idée, il faudra tout bonnement recourir à une photographie.

Les organisateurs du Salon de la Société Nationale, avenue d’Antin, semblent bien avoir eu conscience de son peu d’intérêt. Aussi ont-ils fait appel aux morts pour joindre leur apport à celui des vivants. C’est proprement le Salon des Rétrospectives. D’abord, une exposition d’Art polonais, qui remonte presque jusqu’au XVIIIe siècle, quoiqu’elle contienne aussi quelques œuvres d’artistes vivants ; ensuite, des groupements d’œuvres d’artistes morts depuis plusieurs années : Auguste Lepère, graveur fameux devenu peintre de paysages ; Milcendeau, Armand Berton, Blache, le peintre suisse Charles Giron, l’auteur de plusieurs belles pages dédiées à la gloire des aspects et des physionomies de son pays ; enfin, des rétrospectives d’artistes bien vivants et capables de belles œuvres encore et même d’œuvres nouvelles, comme M. Jacques Blanche, représenté par dix-sept envois. Il ne faut pas s’en plaindre, mais l’aspect du Salon de l’avenue d’Antin s’en trouve sensiblement modifié. Cette Société, née jadis d’un schisme avec le Salon officiel, et pour manifester, disait-on, les tendances nouvelles de la jeune peinture, prend peu à peu les allures d’un musée consécrateur, une sorte de. Luxembourg dédié à l’Art contemporain. Une autre de ses caractéristiques, c’est l’affluence des étrangers,