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LES « AUTOTOMISTES »
ET LES SALONS DE 1921


I

C’est le seul nom qui leur convienne et qui ne peut leur déplaire, car ils se font de ce qu’il exprime un titre à notre admiration. Je veux parler des artistes » futuristes » ou des « fauves, » doués des plus rares facultés de peintre, nous dit-on, mais qui renoncent à l’emploi de ces facultés, afin de ne pas nous surprendre par des prestiges trop faciles et ne veulent rien devoir à l’étalage d’une virtuosité surannée. Devant les choses amorphes et achromes qu’ils exposent, cette année, au Salon de l’avenue d’Antin, si le regardant émet timidement : Qu’est-ce que cela représente ? Je ne vois pas de dessin. — C’est voulu ! lui répond-on, l’artiste sait admirablement dessiner à l’ancienne mode : il dessinerait comme Ingres, s’il en avait fantaisie, mais il s’interdit ce dessin, afin d’exprimer plus fortement le reste. — Ah ! fort bien. Mais c’est que je ne vois pas non plus de couleur... Peut-être l’artiste ne sait-il pas faire chanter la couleur ? — Il le sait, n’en doutez pas ! Il le sait mieux que personne, mais il s’en prive ; parce que, voyez-vous, c’est commun. Qui ne sait de nos jours déployer les magies des Vénitiens ou des Flamands ? Mais qu’est-ce que serait cela ? Un pastiche, une réédition. Il vise plus haut. — A merveille ! Mais c’est que la matière de cette peinture est bien vilaine ; ces figures ont l’air de billes de bois vernies, ces chairs de plâtre, ces feuillages d’étoupes, et ces pelotons de laine sont-ce des fruits ? Enfin, cette figure qu’on dit être un portrait ne rappelle guère le modèle.