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possible, et la complainte de ce chrétien, jeté parmi tant d’infidèles, emprunte, à la faiblesse des moyens qui dépendent de lui et à l’ampleur de la conquête entreprise, une grandeur émouvante. De Béni Abbès, en désert saharien, il expédie, à son chef spirituel, son rapport pour le progrès du monde. Je suis obligé de résumer ces pages de la charité sans bornes.

La première œuvre à entreprendre, au dire de l’ermite, serait « l’œuvre des esclaves. » Ils sont misérables de toute manière, traités le plus durement qui soit par les Arabes de race et plus particulièrement par les marabouts ; ils ont tous les vices et n’ont pas d’espérance, ni d’amis. Mais bientôt ils regarderaient comme des sauveurs, les chrétiens qui leur feraient du bien, et peut-être les premières chrétientés sahariennes seront-elles, un jour, comme le furent celles de Rome, en grande partie formées d’esclaves. La seconde œuvre se proposerait de donner un abri et un repas aux voyageurs pauvres, qui couchent à la belle étoile, lorsque la nuit est si froide. Il faut songer aussi à l’enseignement chrétien des enfants. Point d’autre école, dans toute l’oasis, qu’une école musulmane. Une foule d’enfants courent tout le jour, désœuvrés, vagabonds, rapidement pervertis ; il faudrait au moins une salle d’asile où ils apprendraient la lecture, l’écriture, le français, l’histoire sainte et le catéchisme, où on leur donnerait quelques dattes le matin, un peu d’orge cuit l’après-midi : cela coûterait « deux sous par jour, au maximum. » Et, sans doute, on aurait peu d’enfants arabes dans cette école chrétienne, mais les petits berbères, enfants d’une race douce, bien disposée pour la latinité qu’elle a jadis connue, y viendraient tous. Les berbères ne sont point fanatiques, ni méprisants. Et il est à croire que ce sera, dans l’avenir « l’établissement des berbères dans la foi qui y disposera et y fera entrer les Arabes. »

Le mémoire continue d’énumérer les œuvres nécessaires : hôpital civil, hôpital militaire, visite des malades à domicile, distribution des remèdes et des aumônes à la porte de la Fraternité, zèle pour les âmes des soldats, des officiers, des musulmans de toute sorte, des juifs, « de tous les habitants de la contrée, de la Préfecture, du monde et du Purgatoire. » Il y a 15 paragraphes, 15 rêves exprimés. ;

Ayant dit ainsi l’œuvre à faire, Frère Charles expose au Père Guérin l’œuvre accomplie :