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élevée d’abord. Frère Charles la décrit avec amour dans une lettre à un ami : « Le toit est horizontal, en grosses poutres de palmier brutes couvertes de nattes en branches de palmier : c’est très rustique, très pauvre, mais harmonieux et joli. Pour soutenir les poutres, il y a, au milieu, quatre troncs de palmier verticaux ; dans leur rusticité, ils font très bon effet et encadrent bien l’autel ; à celui qui est près du coin de l’Evangile est pendue une lampe à pétrole, qui m’éclaire la nuit et jette beaucoup de lumière sur l’autel... Au plafond est accroché un dais en forme de tente, en grosse toile vert foncé absolument imperméable, pour garantir de la pluie l’autel et son marche-pied. »

Un officier de la garnison dessine pour la chapelle quatre grandes figures de saints. Mais le principal décorateur est encore l’architecte, Frère Charles lui-même. Il peint sur étoffe, — dans cette manière très moderne, réduite à quelques lignes d’une justesse extrême, dont il a donné maint exemple en illustrant la Reconnaissance au Maroc, — une image qui représente le Christ « étendant les bras pour embrasser, serrer, appeler tous les hommes et se donner pour tous. » Du côté de l’Evangile est un Saint Joseph, de la « fabrique » du Père. Aux murs de la « nef » pendent les quatorze tableaux d’un chemin de croix, dessinés à l’encre noire, bleue ou rouge, non sur toile ou sur papier, mais sur des planchettes de caisses, que Frère Charles a coupées et quelque peu rabotées.

C’est là qu’il passera tant d’heures, de jour ou de nuit, en adoration ou en méditation ; c’est là qu’il couche, au début seul dans cette cabane isolée. Il s’étend, tout habillé, sur le marchepied de l’autel. Il dormira près du Tabernacle, comme le chien aux pieds de son maître. Encore se juge-t-il indigne d’une pareille faveur. Dès que les premières constructions, qui devaient accompagner la chapelle, furent commencées, un sous-officier de tirailleurs, M. J..., qui était de ses amis, s’étant levé de grand matin, pour venir à l’ermitage, trouva le Père couché à l’abri d’un mur inachevé. « Comment, lui demanda-t-il, vous ne couchez plus dans la chapelle ? — Non. — Vous me disiez que vous étiez bien là ! — C’est justement pour cela que j’en suis parti. » Peu de temps après, le Père de Foucauld choisissait, pour y dormir, la sacristie de la chapelle. Or, la petite pièce qu’il appelait ainsi n’était pas assez longue pour qu’un homme pût s’y coucher sur le sable. Le même adjudant