Le pauvre bagage est chargé sur une charrette. L’ancien Frère Albéric reçoit une dernière bénédiction de l’Abbé, et s’en va, très ému. Quelques jours après, il traverse la mer, et débarque en Afrique, dans son Afrique. A Maison-Carrée, il est reçu par Mgr Livinhac, « l’évêque du Sahara ; » on lui donne les autorisations nécessaires pour s’établir dans le Sud de la province d’Oran, à proximité du Maroc. En attendant que l’autre autorisation, celle du gouverneur de l’Algérie, lui parvienne, — c’est un vieil ami, le commandant Lacroix, un des Africains les plus connus, qui fait les démarches nécessaires [1], — il est invité à passer quelques jours à la Trappe de Staouéli. Il retrouve là des religieux qui lui sont depuis longtemps dévoués. Des amitiés nouvelles, aussitôt profondes, se nouent entre lui et les missionnaires de Maison-Carrée. Il est tout espérance et tout projet. « A Béni Abbès, je serai actuellement seul comme prêtre, écrit-il, à 400 kilomètres du plus proche [2]. Mon préfet apostolique, Mgr Guérin, me permet d’avoir des compagnons. » De son côté, Mgr Guérin disait : « Je n’ai connu Charles de Foucauld que depuis le commencement de septembre ; mais il ne m’a pas fallu plus de temps pour l’estimer comme il le mérite, et reconnaître en lui une vertu admirable. Je regarde comme une bénédiction de Dieu l’entrée de ce saint prêtre sur le territoire de la préfecture qui m’est confiée... Un véritable saint, comme lui, fait nécessairement du bien. »
La réponse favorable du gouverneur général et du général commandant le corps d’armée étant venue le 14 octobre, le départ pour Oran, puis pour le Sud, eut lieu dès le lendemain. Les officiers des postes échelonnés sur la route d’Oran à Béni Abbès avaient appris que l’explorateur célèbre, leur ancien camarade devenu moine, allait passer, obéissant, lui aussi, à l’appel du désert, mais pour d’autres motifs. Ils l’attendaient, aux gares du petit chemin de fer stratégique, aujourd’hui construit jusqu’à 800 kilomètres d’Oran, et qui se terminait,
- ↑ Chef des affaires indigènes au Gouvernement général, à Alger, un des auteurs de cet ouvrage remarquable : La Pénétration saharienne, par Augustin Bernard et le commandant Lacroix. M. Augustin Bernard, aujourd’hui professeur en Sorbonne, était alors professeur à l’École supérieure des Lettres d’Alger.
- ↑ Les points les plus proches, où l’on aurait pu trouver un prêtre, étaient : Aïn Sefra, El-Goléa, Tombouctou.