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années, elle permet plus tard d’aborder en français, avec des enfants qui comprennent parfaitement leurs maîtres, tous les sujets prévus au programme.

L’incontestable avantage de ce système est en effet le suivant. Il y a peut-être, dans le principe, une certaine perte de temps, l’étude de la langue absorbant tous les instants, jusqu’à ce que les enfants soient familiarisés avec le millier de mots, qui sont nécessaires pour s’exprimer couramment dans une langue moderne. Mais, dès que cette première difficulté est vaincue, le travail devient aisé et l’élève a vite fait de combler les premières lacunes de son instruction générale.

Serait-on arrivé au même résultat pratique en perdant quelques années à l’enseignement de l’allemand littéraire ? Il est permis d’en douter. L’expérience a prouvé (et pourtant elle ne porte encore que sur deux années scolaires) que la méthode directe est profitable, partout où elle est appliquée rationnellement par des maîtres qui l’emploient de bonne grâce. Cela justifie pleinement sa généralisation.

Dans les collèges et les lycées, l’usage du français, comme langue exclusive de l’enseignement, n’est combattu par personne. Or, si le plus grand nombre des élèves de ces établissements sont déjà familiarisés avec le français, qu’on parle dans leurs familles, on en trouve également qui, en y entrant, ne possédaient pas les premiers éléments de la langue officielle. Ces retardataires ont cependant tôt fait de rejoindre leurs condisciples et il leur arrive même de les dépasser. Pourquoi refuser aux enfants du peuple ce que généreusement on accorde à ceux des familles bourgeoises ?

Avant la guerre, cette fâcheuse distinction existait. Les petites gens ne parlaient que le dialecte. Les bourgeois mettaient une certaine coquetterie à ne s’entretenir qu’en français. Encore serait-il injuste de trop généraliser. Lorsqu’en 1897 je me présentai aux élections pour le conseil général, je fis, en compagnie d’un médecin de Colmar, une soixantaine de visites dans des familles du village de Sainte-Croix-en-Plaine. Or, dans deux familles seulement on m’adressa la parole en dialecte. Partout ailleurs, la conversation fut conduite, de par la volonté de mes interlocuteurs, en français. Dans presque tous les villages viticoles du Haut-Rhin les vieilles gens parlent encore correctement la langue d’autrefois. L’école française