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refusa de payer. Il suivit l’Empereur à l’Ile d’Elbe où il entra naturellement dans sa confidence, ne fût-ce que par l’habitude de la consultation quotidienne et par l’absence d’interlocuteurs. Foureau accompagna l’Empereur en France, faisant les étapes comme un soldat, et risquant, comme les autres, sa vie dans l’aventure. Il fut fort utile à l’Empereur auquel, pour le moins à Grenoble et à Lyon, il conseilla des prescriptions qui lui permirent, non pas de vaincre la fatigue, mais de la supporter. A l’arrivée à Paris, il dut encore ordonner des remèdes contre une agitation nerveuse qui prohibait le sommeil. Ayant été premier et même unique médecin à l’Ile d’Elbe, il resta officiellement Premier médecin pendant les Cent Jours, mais l’on n’a point de certitude qu’il ait suivi dans la campagne de Belgique. En effet, il avait été élu à la Chambre des représentants, par l’arrondissement de Louhans, et l’Empereur tenait si fort à ce qu’il siégeât que, lorsqu’il quitta Malmaison pour Rochefort, il enjoignit à Foureau d’achever la session. On sait comme elle fut interrompue. Dès qu’il fut libre, Foureau s’évertua de rejoindre son maître ; sur le moment, il ne put y parvenir, mais il se rendit en Italie, se mit en rapports avec la partie de la Famille qui y vivait, et se tint constamment à la disposition de l’Empereur. Ce ne fut point sa faute, si le cardinal Fesch et Madame l’écartèrent avec un dédain qui, jusqu’aux révélations de la princesse Pauline et de Planât, avait paru incompréhensible.

Foureau était le seul médecin qu’on eût pu désirer pour l’Empereur. Au moins, le connaissait-il, avait-il l’habitude de sa santé, avait-il étudié les ressources de sa constitution, avait-il sur lui assez d’influence pour l’obliger à quelque peu d’exercice. Mais, à défaut de Foureau, et en attendant qu’il rejoignit, on avait eu l’idée de lui fournir un suppléant. Trois jours avant que l’Empereur partît de Malmaison, Corvisart amena un autre de ses élèves, un nommé Louis-Pierre Maingault, jeune praticien de trente-deux ans, tout nouvellement docteur. Il était établi au n° 42 de la rue du Four-Saint-Germain. Napoléon, à ce moment, pensait qu’il lui serait loisible de passer aux Etats-Unis et de s’y installer. Cela convenait à merveille à Maingault, qui avait à recueillir outre-mer la succession d’un oncle, et qui se trouva fort aise de voyager aux frais de l’Empereur, avec un traitement annuel de 12 000 francs.