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depuis la guerre, les avoirs allemands dans les anciens pays neutres, notamment en Hollande et en Suisse, avaient considérablement augmenté ; et les placements à l’étranger sont si bien devenus une habitude pour les gens du Reich qu’au mois de janvier, la Vossische Zeitung y consacrait une étude spéciale, remplie de recommandations et de conseils. Les experts de M. Lloyd George ne paraissent pas lui avoir donné, à ce sujet, les moindres renseignements. Omission fâcheuse, car le premier ministre britannique aurait certainement tiré, du récit de ces économies allemandes, de brillants effets oratoires.

Il a cependant, suivant son expression, invité le peuple allemand à regarder en face « des faits désagréables. » — « C’est, a-t-il déclaré, une excellente chose pour le peuple allemand lui-même que de s’entendre dire fermement et nettement que, s’il n’accepte pas les demandes des Alliés, ceux-ci doivent et veulent agir. » Il a alors expliqué que la France était prête à marcher dès le 1er mai et qu’elle désirait en finir, mais qu’elle s’était rendue à l’appel que lui avait adressé l’Angleterre et qu’elle avait consenti à ajourner encore sa marche en avant, pour donner à l’Allemagne une nouvelle occasion de réfléchir. Puis, préoccupé, comme à l’ordinaire, de répondre aux critiques dirigées contre lui par ses compatriotes, M. Lloyd George a cherché à démontrer que le Conseil suprême ne s’était pas laissé influencer « par les banquiers israélites. » Cette réplique s’adressait spécialement à la Morning Post. Le grand journal conservateur avait, le 2 mai, publié les lignes suivantes : « Que gagnerait donc notre pays à capituler devant l’Allemagne après tant de sacrifices ? Ces mystérieuses influences qui montrent tant de sévérité pour la France « chauvine » et tant de sympathie pour la « nouvelle Allemagne, » qui sont si dures pour M. Poincaré, si indulgentes pour M. Stinnes, prétendent que l’action directe bouleversera l’Europe ; c’est, au contraire, l’absence d’action directe qui maintient le trouble en Europe. » Quelques jours après, la Morning Post mettait les points sur les i ; elle nommait « les mystérieuses influences : » elle désignait, en toutes lettres, des banquiers germanophiles de la Cité. M. Lloyd George a tenu naturellement à se défendre d’avoir cédé aux suggestions intéressées de quelques financiers cosmopolites, et personne n’a le droit de mettre sa parole en doute. Mais il n’est pas moins vrai que la combinaison à laquelle s’est arrêté le Conseil suprême donnera lieu à de vastes opérations bancaires où malheureusement la France, nous allons le voir, ne sera pas toujours la première à trouver son compte.