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de mettre la vérité en lumière. Il est pénible de penser que ce n’est pas seulement « la mauvaise volonté » ou « la mauvaise foi » de l’Allemagne qui vient de nous infliger cette déconvenue supplémentaire. Le Président du Conseil a trouvé contre lui, chez certains de nos alliés, un parti pris de concessions qui a tout emporté et, non seulement il a été accordé à l’Allemagne un délai de douze jours après l’échéance du 1er mai mais on a introduit, dans les conditions qui lui ont été signifiées, une multitude de savantes atténuations dont les effets se feront longtemps sentir. Les Chambres françaises s’étant dispersées à l’occasion de la session des Conseils généraux, le Président du Conseil n’a pu encore présenter des explications officielles sur les décisions prises à Londres. C’est donc au premier ministre anglais que nous demanderons la pensée qui a inspiré les gouvernements alliés. Il l’a exposée dans un des discours les plus brillants qu’il ait prononcés. Je laisse de côté les conseils de modération qu’il a cru devoir prodiguer à la France et qui ont paru un peu indiscrets à quelques-uns de nos compatriotes. Ne soyons pas trop chatouilleux. M. Lloyd George nous donne l’exemple de la franchise entre amis. Nous en sommes plus à l’aise pour parler nous-mêmes en toute sincérité. Le premier ministre a, du reste, rendu à la France un hommage très émouvant et il a cherché, sinon à justifier, du moins à exposer nos revendications, avec un effort de compréhension dont il faut lui savoir gré. « La position de la France, a-t-il dit, n’est pas la nôtre. Nous sommes entourés par la mer, la mer avec ses tempêtes, qui nous sépare de l’Allemagne, une Allemagne dont les meilleurs cuirassés sont au fond de l’eau. La position de la France n’est pas non plus celle de l’Italie. Il y a la haute muraille des Alpes, et la ville de Rome est située à des centaines de milles de toute frontière. Mais la France, elle, elle a le souvenir, et un souvenir de mémoire d’homme, de deux invasions, et au cours d’une de ces invasions, sa capitale a été occupée ; elle a été bien près d’être occupée au cours de l’autre. » L’homme qui tient ce langage est, on le sent tout de suite, un grand ami de la France. Il n’est cependant pas toujours très exactement renseigné sur notre état d’esprit, sur nos intérêts, sur nos besoins, et il lui arrive de les sacrifier un peu trop facilement aux besoins, aux intérêts et à l’état d’esprit anglais. C’est, nous sommes bien forcés de le reconnaître, ce qui vient encore de se passer à Londres.

M. Lloyd George a énuméré avec beaucoup de précision tous les manquements qu’il y a lieu de relever à la charge de l’Allemagne. Il a noté que, si elle avait remis jusqu’à présent la plupart de ses canons