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mot, tout ce qu’on admire dans cette merveilleuse Hollande du XVIIe siècle, est la création de Rembrandt : rien n’existe avant lui, tout se dissipe après lui. Ce n’est ni le temps, ni le lieu de refaire pour la millième fois l’étude de ce maître d’un incomparable génie. Plus que toutes les phrases et plus même que ses tableaux, la cinquantaine de dessins prêtés à l’exposition par M. Hofstede de Groot, par MM. Walter Gay et Moreau-Nélaton, et surtout par le plus fervent de tous les « rembrandtisants, » M. Léon Bonnat, vous dira ce que fut cet homme vraiment unique, ce qu’on peut enfermer de tendresse et de surnaturel dans un trait de plume ou de crayon, ce que c’est que la main humaine, quand elle exprime un sentiment. Une fois de plus, on arrive à cette conclusion qu’une école artistique, comme une politique, ou une grande victoire, c’est un homme : tout tient à cet homme et se ramène à lui. C’est Rembrandt qui a créé la poétique hollandaise, cet art de peindre en profondeur, dont il n’y a pas trace dans les œuvres admirables, mais toutes extérieures de Hals ; c’est lui qui a forgé l’instrument, donné en toutes choses les modèles, inventé cette façon de reproduire la vie en la baignant d’une atmosphère qui en transforme les apparences ; c’est lui qui de ce clair-obscur, procédé de relief et de saillie, a fait un élément nouveau propre à devenir le séjour de toutes les idées et à favoriser l’expression de toutes les nuances morales ; c’est lui qui a trouvé ce moyen pittoresque de prêter aux choses les plus humbles le sérieux, la dignité, par une manière émue et délicate de le dire. Tant qu’il vécut, pendant les quarante ans que dura sa carrière artistique, cette méthode s’impose autour de lui à tous les peintres ; tous ne font que clarifier ou doser différemment la couleur et la lumière, selon la mesure de leur tempérament et de leur sensibilité. A peine mort, le charme est rompu, comme si l’enchanteur en avait emporté le secret dans la tombe. Moins de quinze ans après lui, l’école hollandaise n’était plus qu’un souvenir. Et cette disparition est encore un hommage à Rembrandt.


Cette grâce de posséder un Rembrandt est une faveur que le ciel n’accorde pas deux fois. Il faudrait montrer par quel détour l’influence des grands Hollandais revint de France en Hollande, vers le milieu du dernier siècle, à travers Théodore Rousseau et Jean-François Millet. Une seconde école hollandaise se forme alors sous l’impulsion de talents tels que ceux de Bosboom et de Josef