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SOUVENIRS DE MUSIQUE ET DE MUSICIENS

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LA MAISON PATERNELLE

Je revois de loin, de très loin, sous les combles d’une maison du boulevard de Strasbourg, le salon modeste et mansardé de la « tante Edouard. » On y dansait ce soir-là. Sur un méchant piano droit, un petit garçon jouait à quatre mains, avec sa mère, certaine valse, — en fa naturel majeur, — tirée d’un cahier pour les commençants de Heinrich Enckhausen. Ma mère « faisait les basses, » moi « le haut, » et les couples se penchaient au passage pour apercevoir, derrière le piano, le jeune pianiste.

Un autre soir, vers la même époque, en famille toujours, c’était chez « l’oncle Jules » et « la tante Uranie. » Ce dernier prénom me paraissait extraordinaire. Si j’en eusse alors connu l’étymologie céleste, j’aurais trouvé surtout que ma tante était peu faite pour le porter. Les braves gens goûtaient médiocrement la musique. Mais leur fille « s’y adonnait. » Et je n’ai jamais oublié ni les airs ni les chansons que chantait, avec un fort accent artésien, la blonde et robuste fille de la tante Uranie et de l’oncle Jules.


Le seigneur qui n’a que quinze ans
Revient au printemps
Avec l’hirondelle.
Mais hélas ! passager comme elle,
Il s’enfuit toujours
Avec les beaux jours.