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modèle. Il a fallu renoncer à ce splendide isolement, et ajouter aux lycées et collèges féminins la rallonge des classes primaires. C’est un fait que la clientèle de nos établissements, qu’il s’agisse de filles ou de garçons, frappe à leurs portes dès le plus bas âge. Les parents n’aiment pas avoir à changer de maison, et font leur choix une fois pour toutes. Cette règle n’est pas absolue bien entendu, et des élèves rejoignent en cours de route, particulièrement à l’entrée de chaque cycle secondaire ou des classes préparatoires aux écoles. Mais le recrutement essentiel se fait par la base, comme on dit. Si le lycée est condamné à dire aux enfants qui se présentent : « Pas encore, vous repasserez ; en attendant, allez où vous voudrez, » ils iront là où on s’ingéniera à les garder et ne reviendront pas. M. Herriot, il y a un an, dans la discussion du budget de l’Instruction publique, prévoyait l’objection et en prenait son parti. Le problème du nombre n’est pas le problème dominant, disait-il. Ce sont là paroles que l’on prononce pendant la période où on n’est pas au pouvoir. Quel est le ministre qui, en face du risque, disons plutôt de la certitude de dépeupler lycées et collèges, prendrait ainsi à son compte une variante du mot célèbre : périssent les colonies plutôt qu’un principe !

Alors un biais s’offre à l’esprit : ne serait-ce pas déjà un grand progrès vers le rapprochement des intelligences, et par suite des cœurs, si les maitres qui les forment avaient, eux du moins, reçu la même culture et sortaient des mêmes maisons d’éducation ? A défaut de l’école unique pour les élèves, ne peut-on penser à une école unique pour les maîtres ? On demandera tout à l’heure, nous le verrons, des sacrifices à l’enseignement secondaire. On en demanderait un très gros, dans l’hypothèse que nous soulevons, à l’enseignement primaire, celui de son autonomie. Les différents ordres d’enseignement ont une vie presque indépendante à l’heure actuelle. Et le primaire en particulier forme ce qu’un brillant penseur a pu récemment appeler un Etat dans l’Etat, ce qui est à coup sûr une Université dans l’Université. Le mode de nomination des instituteurs, survivance de régimes disparus, est une des causes de cet état de choses. Mais il faudrait veiller à ce que les effets disparaissent quand la cause disparaîtra. Cette cause d’ailleurs n’est pas la seule, et ne faut-il pas incriminer cette maladie de l’esprit bureaucratique qui ne sévit pas seulement au ministère de