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de Suède, où la question est à l’ordre du jour comme chez nous. Nous ne les ferons pas nôtres. Au moins, si nous poussions la discussion en ce sens, mettrions-nous en balance d’autres possibilités, et même certains témoignages. Le nombre est grand, parmi les universitaires, d’hommes qui ont commencé leurs études à l’école primaire, et qui ont gardé d’elle, et de sa discipline intellectuelle et morale, un souvenir reconnaissant et ému. Le nombre grandit tous les jours aussi des pères de famille dont les sentiments égalitaires sont à ce point sincères et agissants que, pouvant faire autrement, ils préfèrent, pour leurs propres enfants, cette même école primaire à toute autre. Il y a ainsi des pratiquants silencieux et presque pieux des dogmes démocratiques, et ce ne sont pas ceux qui en vivent. On ne fait pas d’ordinaire d’expérience sur ses propres enfants. Mais ceux-là ne croient pas faire une expérience qui soit dangereuse en quelque façon ; et d’ailleurs, cela se passe le plus souvent dans des familles où le souci de l’éducation est assez élevé pour qu’elles tirent d’elles-mêmes le correctif et le remède, s’il était nécessaire. Mais ces familles-là sont encore l’exception.

Leur nombre croîtrait peut-être si les conditions matérielles de l’école étaient améliorées. L’école unique n’existera que si elle est d’abord l’école salubre, confortable, qui attire et qui retient. Il ne suffit pas d’ouvrir toutes larges les portes. Il faut qu’une fois entré on n’ait pas envie de s’en aller. Nous avons des écoles qui répondent à cette définition et à ce besoin, mais il y a aussi l’école-taudis ; et les palais scolaires sont une légende que la politique a exploitée. Il faut donc sérier les questions. Faites-nous des écoles comme celles d’Angleterre, du moins comme celles qu’on montre aux étrangers en Angleterre ; après quoi, vous pourrez dire que personne n’a de bonnes raisons pour ne pas y envoyer ses enfants.

À défaut de bonnes raisons d’ailleurs, on en trouvera d’autres. Et la vérité, il faut en venir à le dire, est que l’école unique ferait courir au recrutement des lycées et collèges les plus gros risques dans un pays où ce recrutement doit compter avec la concurrence de l’enseignement libre. Théoriquement, on conçoit très bien les établissements secondaires n’ayant que des classes secondaires. L’esprit est même satisfait par cette conception claire et tout empreinte de logique. La loi qui a institué l’enseignement secondaire des jeunes filles l’avait conçu sur ce