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années. Utopie ou non, il est cependant un dernier projet, qui est bien leur, s’il est en même temps celui de beaucoup d’autres, et qu’ils considèrent même aujourd’hui comme l’article essentiel de leur programme. Il s’agit de l’école unique.


L’ÉCOLE UNIQUE ET SES SUBSTITUTS

Il y a des mots prestigieux, qui font l’effet, à eux seuls, d’un programme et d’un drapeau. On a parlé longtemps d’enseignement intégral. Il n’est plus question maintenant que de l’école unique. Et il ne nuit pas à la fortune de ces mots d’avoir un sens vague ou, si l’on veut, plusieurs sens. Ils gardent quelque chose, même quand on a précisé leur signification, de la faveur qui s’attachait à des idées qu’ils ne représentent plus. C’est ainsi que l’école unique a d’abord été, pour beaucoup, l’école où se coudoieraient toutes les classes et toutes les croyances. Récemment encore, lors de la discussion du budget de l’Instruction publique de 1920, un jeune député, sorti des cadres de notre enseignement primaire, M. Avril, avec une éloquence qui faisait entrevoir un monde meilleur que celui où nous vivons, et laissait des regrets à ceux même qui lui refusaient leur adhésion, adjurait tous les citoyens français, qui ont fraternisé dans la tranchée, de laisser fraterniser leurs enfants dans une école d’une neutralité véritable et pacifiée. Il comparait, non sans force, l’école confessionnelle enfiévrée de concurrence à une école simplement respectueuse de toutes les convictions, et demandait dans laquelle des deux la sincérité et la pureté du sentiment religieux trouveraient le plus sûr asile. Il orientait en même temps l’effort scolaire des catholiques, dont il serait excessif de solliciter le brusque renoncement, du côté de l’enseignement post-scolaire, vers lequel, dans ces dernières années, il semble d’ailleurs s’orienter de lui-même. Que de luttes eussent été évitées, et peut-être de meilleurs résultats acquis pour les catholiques eux-mêmes, si cette tactique avait été proposée plus tôt, et surtout si elle avait été adoptée ! Mais aujourd’hui, les positions sont prises, le passé pèse sur le présent, de grands morts parlent de part et d’autre, et même les voix fraternelles des morts de la grande guerre, que M. Avril évoquait si pieusement, ne réussissent pas, ne réussissent plus à étouffer ces autres voix. Donc, quels que soient nos regrets, il y aura pendant longtemps encore