Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 63.djvu/385

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

étaient au premier plan, cette éducation nous avait-elle aussi bien adaptés à une guerre industrielle et à une paix qui peut se ranger sous le même vocable ? Aussi n’est-il bruit maintenant que de remaniements et même de bouleversements. Et certes les bonnes réformes sont celles que l’opinion a devancées et mûries. Mais il y a des opinions jusqu’ici plutôt qu’une opinion. Nous ne retrouvons pas, dans les questions d’enseignement secondaire, cette unanimité qui a préparé le terrain à la charte des universités, à la loi de 1896. La faute en est à la complexité d’un problème, dont voici en effet quelques éléments : traditions sans lesquelles rien ne peut être fait en matière d’éducation, besoins nouveaux, nés d’une civilisation plus mobile que jamais ; préférences métaphysiques impliquées dans la moindre solution offerte ; la question sociale par surcroît passionnant le débat ; disons enfin l’avenir de la patrie engagé, qu’une fausse direction donnée peut compromettre. De cette complexité, souvent troublante, nos lecteurs vont se rendre compte.


LES « COMPAGNONS »

L’Université s’est parfois occupée de l’armée. L’armée le lui a rendu à la fin de 1911, à un moment où elle avait cependant beaucoup à faire. De jeunes officiers, universitaires en temps de paix d’ailleurs, que leur connaissance des langues étrangères avait fait affecter au contrôle postal du G. Q. G., n’avaient pas tardé à se chercher, à se reconnaître et à parler métier, de l’ancien et du futur métier. Les conversations, les réunions se firent peu à peu régulières. L’un d’eux a raconté ce commencement vraiment digne d’une belle suite. C’était au palais de Compiègne, où était alors installé le G. Q. G. « Les réunions avaient lieu toujours après la journée faite, et les journées étaient longues au G. Q. G. On ne se rejoignait guère avant dix heures du soir, souvent même avant onze. On s’installait soit dans ma chambre en ville, soit, après le départ des secrétaires et des plantons, dans les bureaux du contrôle postal où l’on était plus sûr d’avoir du feu. Ces bureaux étaient établis sous les combles. Les discussions s’y prolongeaient bien avant dans la nuit, et nous avions l’air de conspirateurs dans le palais endormi. »

Les conspirateurs se lassèrent de conspirer à vide. Ils firent donc un article. Ils le montrèrent à M. de Pierrefeu, rédacteur