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La cloche véhémente exorcise Satan,
Chasse par l’air glacé les hordes invisibles ;
Et d’échos en échos sa voix sainte s’étend,
Plus haut que les névés et l’air incorruptibles.

Dans la plaine pieuse où s’éteignent les feux,
Des coteaux d’Obernai jusqu’à la Forêt Noire,
Avant de s’allonger sur le grabat rugueux,
Les vieux moines ridés joignent leurs doigts d’ivoire.

Plus rien n’est éphémère et tout est éternel.
Dans l’entretien divin commandé par la Règle :
La créature perd son poids matériel,
Et l’oraison l’enlève avec ses ailes d’aigle.

Mais toi, toi qui songeais, Christi Margarita,
Toi que sollicitait le démon trismégiste,
Toi qui cédais un peu ; toi que charmaient déjà
Les joyaux mensongers du mauvais alchimiste,

Tu tombes à genoux, et l’ennemi s’enfuit !
Tu l’entends ricaner en grinçant des mâchoires !
Une vague d’encens se répand dans la nuit,
La prière dissout tes trésors illusoires !

Tu mets tout ton orgueil à sentir ton néant :
Ton cœur n’est à tes yeux que misère et que fanges,
Et tu sens ruisseler, jusqu’à ton sein brûlant,
Les pleurs du repentir, doux aliment des anges.


ALFRED DROIN.