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Bacchus aux cheveux roux préfigure le Christ,
Il annonce déjà les célestes vendanges ;
Ce n’est pas à la chair maudite qu’il sourit :
Son pressoir ruisselant est foulé par des anges.

Et si ton regard suit un instant Apollon,
Dans les bois de lauriers où ton pas s’embarrasse,
Une robe décente effleure son talon,
Et la pudeur suave illumine sa grâce.

Sa lyre étreint le monde en des bras éclatants,
Elle unit ses beaux sons à l’odeur des cinnames,
Et ta ferveur en lui salue, au fond des temps,
Un apôtre païen qui serait pasteur d’âmes.


DIAPHANËITÉ


Mélodieusement, Septembre épand sa grâce,
Ses mollesses et sa tiédeur,
A l’heure où tu t’en viens, sur la large terrasse,
Goûter l’oubli de ton labeur.

Les tilleuls ont perdu leur parfum, mais les vignes
Gonflent leurs grappes, grain à grain,
Et tu sais que parmi les collines insignes,
Les vendangeurs iront demain.

Or une branche haute où la sève s’épuise.
Fait tomber, fragile trésor,
Sur les dalles de grès, oscillante à la brise,
Une feuille, comme un peu d’or.

Et tandis que sourit la saison défaillante,
Une voix dit, au fond de ton cœur enchanté :
La feuille qui se meurt est déjà transparente,
Et son léger tissu se transforme en clarté.