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auquel il donne ses instructions pour sa sépulture. Il désire être enterré sur les bords de la Seine, ou près de Lyon, ou enfin, à Ajaccio, dans la cathédrale, « Mais, dit-il, le Gouvernement anglais a prévu ma mort. Dans le cas où des ordres auraient été donnés pour que mon corps restât dans l’île, ce que je ne pense pas, faites-moi enterrer à l’ombre des saules où je me suis reposé quelquefois en allant vous voir à Hutsgate, près de la fontaine où l’on va chercher mon eau tous les jours. »

Le 27, il fait encore sa barbe dans son lit et, à trois heures et demie, soutenu par Marchand et par Saint-Denis, il va jusqu’à son fauteuil. Il fait appeler Montholon, Bertrand et Vignali, et il leur ordonne, ainsi qu’à Marchand, de dresser un procès-verbal descriptif constatant l’existence du Testament, des codicilles et de l’instruction aux exécuteurs testamentaires. Cette opération entraine de longues écritures, car chaque témoin doit contresigner chacun des sept paquets, puis apposer son cachet sur les faveurs avec lesquelles l’Empereur a fermé les boites contenant les tabatières. Cette opération terminée, l’Empereur, resté seul avec l’abbé Vignali, lui remet, sous le secret de la confession, un double du testament et des codicilles qu’il a copiés lui-même, de » façon à y donner la même valeur qu’à l’original, pour le cas où celui-ci serait saisi par les Anglais.

Lorsque Vignali est sorti, Marchand rentre dans la chambre. L’Empereur lui confie l’original du testament, des codicilles, et du reçu de la Banque Laffitte, constatant le dépôt de ses fonds. Après sa mort seulement. Marchand remettra ces pièces à Montholon. L’Empereur fait porter chez Montholon ses manuscrits, et la cassette contenant sa réserve d’argent ; chez Bertrand, ses armes ; chez Marchand, le nécessaire et les boîtes à tabatières : « Eh bien ! mon fils, dit-il à Montholon, quand celui-ci vient à onze heures, ne serait-ce pas dommage de ne pas mourir, après avoir si bien mis ordre à ses affaires ? »


L’affaiblissement s’accentue le 28, quoique l’esprit reste aussi lucide. Les médecins ont pensé que l’Empereur aurait, dans le salon, plus d’air que dans sa chambre. Depuis plusieurs jours tout est disposé pour qu’il puisse y être transporté. Un des lits de campagne a été placé entre les deux fenêtres, en face de la cheminée ; un paravent couvre la porte, une petite table est