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qu’il avait maintenue avec une fermeté désespérée, et qui, réduite seulement à deux officiers, pouvait à peine donner à présent l’illusion d’une cour.

Lorsqu’il avait su qu’Antommarchi avait, près des Anglais, réclamé son congé, l’Empereur avait dicté une note. où, parlant de lui-même à la troisième personne, il disait : « Le sieur Antommarchi, son chirurgien, est insuffisant pour le secourir dans son état actuel de maladie ; il désire un médecin de son ancienne maison de santé de Paris, ou de ceux qui ont servi à l’armée comme médecins en chef de corps d’armée, et âgé de plus de quarante-cinq ans. Les sieurs Desgenettes, Percy, Larrey spécialement, pourraient désigner celui de ces médecins qu’ils jugeraient digne d’obtenir la confiance du malade. »

Plus loin, il disait : « Le parti qu’a pris lord Bathurst de s’adresser au cardinal Fesch à Rome, et qui paraissait sage, s’est trouvé en défaut par l’effet de la surveillance exercée sur tous les membres de sa famille et de l’impossibilité où ils sont de correspondre avec la France. Tout ce qu’il est nécessaire de faire, ne peut l’être que par l’intermédiaire des gouvernements anglais et français. » Napoléon désirait particulièrement, disait Montholon à Lowe, que sa famille n’intervînt en aucune façon dans les nouveaux choix ; il avait trop à se plaindre du choix fait par elle des personnes envoyées à Sainte-Hélène. Le ministère du Roi de France étant presque entièrement composé de personnes qui l’avaient servi dans les mêmes places, était le mieux apte à choisir ceux qui pouvaient lui convenir. Quant aux remplaçants de Bertrand et de Montholon, « l’Empereur eût préféré d’abord le général Drouot ; quant à l’autre personne, ce pourrait être un civil, même ayant été ecclésiastique, un conseiller d’Etat, un ancien chambellan, ou un ancien confident, un ami avec lequel il eût été lié intimement, lorsqu’il était officier d’artillerie, mais un homme lettré, un homme de talent et de gravité dont il pût faire un compagnon. »

L’idée de s’adresser au gouvernement du roi pouvait seule donner un résultat, mais il fallait compter dix mois au moins avant que le prêtre, le médecin et le compagnon demandés par l’Empereur pussent le rejoindre. Quelque bonne volonté qu’on y portât, il fallait que de Lowe à Bathurst, de celui-ci à son collègue du Foreign Office, du marquis de Londonderry au ministre des Affaires étrangères de France, le baron Pasquier,