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V. — L’AGONIE

L’Empereur, durant les premières années de son séjour à Sainte-Hélène, a paru ressentir du côté du foie une affection relativement bénigne, qui eût cédé à un traitement approprié, à une cure thermale, par exemple, ainsi qu’il était arrivé à Madame qui, elle aussi, avait eu de ces inquiétudes. Cette affection s’est aggravée par l’absence d’exercice, par une détestable hygiène, par des médicaments contre-indiqués, par une constipation opiniâtre, par une méconnaissance des symptômes constatés le 16 janvier. Sur l’annonce par Love du départ prochain de Bertrand, l’Empereur eut une crise de foie en juillet, mais cette crise céda rapidement. A la fin du mois, il reprit un semblant d’activité qu’il garda pendant le mois d’août et la première moitié de septembre. Mais alors ses forces diminuent, le moindre exercice le fatigue, l’air même lui fait mal. Il prétend lutter, il monte à cheval, il veut jouir des libertés qui lui ont été rendues pour se promener hors de l’enceinte. Il rentre extrêmement fatigué, est obligé de prendre le lit. Il ne supporte plus la calèche qu’à grand’peine. Toutefois, il ne se sent pas encore atteint aux sources de la vie. C’est une indisposition, premier résultat de la cessation de son inactivité prolongée ; il lui faut du mouvement, une bonne fatigue. Le 4 octobre, il combine une excursion à Sandy-Bay, chez sir William Doveton. Bertrand, Montholon l’accompagneront ; on emportera un bon déjeuner, un déjeuner au Champagne. C’est loin ; l’Empereur, dont l’appétit s’est éveillé, mange un peu plus que d’habitude, boit trois flûtes de Champagne. Au retour, il est recru de fatigue ; il atteint à grand’peine la route où stationne la calèche, et, à l’arrivée, il se met au lit avec un violent mal de tête. Désormais, seulement un peu de marche dans le jardin, quelques tours de calèche, le lit et des bains prolongés, de deux à trois heures, à haute température. Certains symptômes de décadence apparaissent. Il a peine à supporter la grande lumière, il entend mal, il a des vertiges, la constipation est persistante, et lorsqu’elle cède aux lavements, un affaiblissement extrême se produit.

Antommarchi, devenu par son inexactitude, ses continuelles courses en ville, tout à fait déplaisant, juge « nécessaire de poser des vésicatoires aux deux bras. » L’Empereur s’y refuse