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prêtres ; il lui a accordé, sinon des privilèges politiques, du moins des honneurs, et des exemptions civiles ; il s’est efforcé de la préserver par ses lois, du péril de n’être plus nationale ; il a, par sa présence assidue à la messe dominicale, et par son attitude durant l’office, marqué une adhésion que ceux-là seuls discutent qui sont nés, et qui ont été élevés dans une opposition confessionnelle aux croyances catholiques.

Napoléon n’admet point que les quatre grands événements de l’existence humaine, s’accomplissent sans l’intervention de la religion, et sans l’assistance du prêtre. C’est pour que le prêtre l’assiste, qu’il a requis sa venue, car il sait que sa fin est proche. Il veut à présent préparer au Dieu qui viendra le visiter, l’accueil qu’il lui doit.

Buonavita et Vignali ont apporté d’Europe une malle contenant des vêtements d’église et des habits sacerdotaux, que Fesch a envoyés et qui sont « d’une très grande beauté. » Depuis leur arrivée, ils disent la messe dans le salon, sur une table quelconque. L’Empereur ordonne que la salle à manger, dont il ne se sert plus, soit transformée en chapelle « d’une façon permanente. » Il mangera désormais dans le salon. La chapelle doit être digne de celui qui en sera le premier paroissien. Tout Longwood se met à la besogne. Noverraz, aidé d’un menuisier chinois, élève, sur deux marches, un autel, sur lequel Pierron, habile, comme officier, à cartonner, dresse un tabernacle blanc et or pour le Saint-Sacrement. Le mur du fond est garni, par Marchand et Saint-Denis, d’une draperie de satin rouge relevée par des patères dorés ; un tapis de velours vert avec un N couronné, en galon d’or, et des N plus petits dans les coins, couvre les marches de l’autel, et s’étend jusqu’au prie-Dieu de l’Empereur. Les galons manquaient pour les couronnes impériales, mais M. de Montholon a retrouvé dans ses malles sa veste-uniforme d’aide de camp du prince vice-connétable sur laquelle on « trouve tous les galons dont on a besoin. » Si bien qu’on en a tiré, outre quatre couronnes, une grande croix pour le soubassement de l’autel. Celui-ci est couvert d’une nappe ornée de larges guipures et de dentelles anciennes. Des deux côtés du tabernacle, que surmonte une croix d’ébène, avec un beau Christ d’argent, on a placé des girandoles d’argent à six branches et des vases de porcelaine de la Chine que l’on garnit des plus belles fleurs du jardin. Le dimanche, à midi, car tout