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extraordinaires hâbleries : « Il y a déjà six mois que je suis dans cette île, et je puis vous assurer que je n’ai pas passé un jour, une nuit, sans prodiguer à mon illustre malade tous les secours que mon zèle et mes connaissances médicales pouvaient me suggérer. Je l’ai trouvé atteint d’une hépatite chronique, du caractère le plus grave ; les soins que je lui ai donnés paraissent couronnés de succès. » Bien entendu, Antommarchi est trop avisé pour croire à la maladie, mais il consent à s’associer à la comédie que l’on joue, pourvu qu’on sache bien que lui seul, par son savoir, son zèle et son dévouement, a soulagé, sinon guéri, l’Empereur, qu’il voit à peine quelques minutes le matin, et pas tous les jours !


Rien ne permet d’attribuer aux prescriptions d’Antommarchi l’amélioration qui a paru dans l’état de l’Empereur lequel, jusqu’à la fin de juillet, a paru s’intéresser à ce que ses serviteurs faisaient pour lui plaire et presque moins souffrir.

Depuis quelques mois, il a manifesté une inclination à s’occuper de religion. Ainsi le trouve-t-on se faisant lire l’Evangile ; c’est lui qui, dès la mort de Cipriani, enterré par un ministre protestant, a réclamé, « pour ne pas mourir comme un chien, un prêtre catholique. » Le prêtre, les prêtres que Fesch a choisis, sont stupides ; il ne saurait ni s’entretenir avec eux, ni tirer de leur conversation aucun secours ; mais ce sont des prêtres, et parce qu’ils sont prêtres, ils sont en mesure de faire pour lui ce que nul homme ne pourrait faire.

Napoléon ne s’était jamais attaché à une philosophie définie. Il était un spiritualiste fataliste. Il avait certainement combattu l’intrusion des prêtres dans l’administration, à moins qu’il ne les y provoquât lui-même. Il disait en 1808 : « Les ecclésiastiques doivent se concentrer dans le gouvernement des affaires du ciel. La théologie qu’ils apprennent dans leur enfance, leur donne des règles sûres pour le gouvernement spirituel, mais ne leur en donne aucune pour le gouvernement des armées, ou l’administration. » Ce qui ne l’empêchait pas de reconnaître à un autre moment : « Les prêtres catholiques... ont été cause que la conscription de cette année a été beaucoup mieux que celle des années précédentes. » C’était donc au profit de sa politique qu’il entendait que cette force s’aperçût ; il disait :