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Directoire y assistaient. Le bureau, qui était celui de la Classe des Sciences physiques et mathématiques, était occupé par Lacépède, président, Lassus et Prony, secrétaires. Autour des tables en fer à cheval étaient assis 105 membres, et parmi eux Bonaparte. Rien ne le distinguait de ses confrères, en dehors de sa jeunesse et de sa gloire ; il n’était point venu en tenue de général ; il était habillé en civil comme les autres membres, qui n’avaient point encore un uniforme officiel. Mais il lui avait suffi d’entrer dans la salle pour être applaudi. Le Moniteur universel fit, au sujet de son attitude, de curieuses remarques : « Il est arrivé à la séance sans faste, y a assisté avec modestie, a reçu avec désintéressement les éloges que lui ont prodigués les lecteurs et les spectateurs, et s’est retiré incognito. Ah ! que cet homme connaît bien le cœur humain et en particulier les gouvernements populaires ! L’homme de mérite y est forcé d’acheter, à force de modestie et de simplicité, une grâce que les ignorants et les hommes vulgaires lui accordent difficilement partout, mais plus rarement encore dans les républiques. »

L’ordre du jour se développa avec son implacable monotonie : quatre rapports sur les travaux des trois Classes pendant le dernier trimestre, et six lectures, au total dix morceaux.

La lecture qui avait fait la plus vive impression et qui avait provoqué à plusieurs reprises des salves unanimes d’applaudissements, avait été le poème de M. -J. Chénier ; il était intitulé Le Vieillard d’Ancenis, poème sur la mort du général Hoche : événement qui remontait à trois mois à peine, au 28 septembre 1797. Après avoir célébré la gloire de celui qui n’était plus, le poète avait parlé du projet belliqueux qui remplissait alors tous les esprits, du héros qu’il appelait l’Italique et qui allait bientôt réaliser les destinées de la France.


Rendons aux nations l’héritage des mers.
Entendez, mes enfants, la voix de l’univers
Déléguer aux Français la vengeance publique ;
Voyez Londres pâlir au nom de l’Italique.
De ce chef renommé vous savez les exploits.
………………….
Vous franchîtes les monts ; vous franchirez les flots ;
Des tyrans de la mer punissez les complots.
Ils combattront pour l’or ; vous, pour une patrie.
Si jamais un Français, des rives de Neustrie,