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Carnot, et la Classe décide, par la voix du scrutin, que ces citoyens seront remplacés. »

Prendre la même décision pour Pelletier, de la Section de Chimie, qui était mort le 21 juillet 1797, et pour Carnot, qui avait été « fructidorisé, » c’était assimiler deux cas qui n’avaient aucun rapport ; mais l’accusation de royalisme, qui avait servi de prétexte aux Directeurs pour frapper leurs victimes, avait empêché toute protestation de la part des membres de la 1er Classe, quelque singulière qu’elle fût, quand elle s’appliquait à un républicain comme Carnot. On ne connaît qu’une protestation contre la radiation des cinq membres de l’Institut ; elle fut due à de Lisle de Sales, de la Classe des Sciences morales et politiques. Section d’Histoire. Jules Simon a dit de cet académicien courageux : « Il fit sans doute rougir de honte ses confrères ; mais il ne parvint pas à leur donner un peu de sa fermeté. »

C’est à Passariano, où il s’était fixé depuis la fin du mois d’août, que Bonaparte apprit que Carnot était rayé des cadres de l’Institut. L’idée de le remplacer est-elle de lui ? est-elle de son hôte et ami Monge, qui était justement le doyen de la Section des Arts mécaniques ? Elle dut naître d’elle-même dans les conversations que les deux amis avaient sur les bords du Tagliamento, dans l’ancienne maison de campagne du doge Manin. Gaspard Monge, le grand géomètre, était sous la séduction du génie de Bonaparte, plus jeune que lui de vingt-trois ans.

Les connaissances scientifiques du général ne dépassaient pas sans doute les quatre volumes de l’ouvrage classique de Bezout, Cours de mathématiques à l’usage du corps royal de l’artillerie. Il les avait appris à fond quand il était cadet-gentilhomme à l’École militaire de Paris, où il avait eu parmi ses professeurs de mathématiques Louis Monge, frère de Gaspard. Dans le Cours de Bezout, sur lequel Bonaparte avait été interrogé à sa sortie de l’Ecole militaire, en 1785, les mathématiques supérieures sont simplement représentées par les éléments du calcul différentiel et du calcul intégral et par « l’application des principes généraux de la mécanique à différents cas de mouvement et d’équilibre » (tomes III et IV, édition de 1772). Ce sont à peu près les connaissances que représentent aujourd’hui les programmes de la classe de mathématiques élémentaires supérieures et de mathématiques spéciales, sans que le Cours de Bezout dépasse ces programmes. Cela constituait pour