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de la part du gouvernement allemand, une nouvelle violation du Traité de Versailles. C’était une tentative pour dessaisir la Commission des Réparations et pour remettre en discussion, devant les États-Unis, toutes les conditions de la paix. L’Amérique, il est vrai, n’a pas ratifié le Traité et elle est libre, en ce qui la concerne, d’y apporter demain, d’accord avec l’Allemagne, les dérogations qu’elle jugera convenables. Mais le Reich et nous, nous avons donné au Traité une adhésion régulière et irrévocable ; il a été voté, ratifié, promulgué, en Allemagne et en France ; il est devenu, pour les deux pays, contrat diplomatique et loi d’État. L’Allemagne ne peut donc demander à personne d’alléger ou de modifier les obligations qu’elle a souscrites.

Elle ne semblait pas, d’ailleurs, très exactement fixée sur le caractère des bons offices qu’elle voulait demander aux États-Unis. Était-ce une médiation, comme celle dont se chargea, en 1885, le Pape Léon XIII, dans le différend qui avait éclaté entre l’Espagne et l’empire d’Allemagne, à propos des Carolines et, en particulier, de cette île de Yap, redevenue aujourd’hui une pomme de discorde, mais cette fois entre l’Amérique et le Japon ? Était-ce une entremise complaisante, un effort de conciliation bénévole, un service officieux d’amiable compositeur ? Les termes dont se servait M. Simons indiquaient plutôt qu’il s’agissait d’un arbitrage proprement dit, avec compromis et sentence, et que l’Allemagne s’en rapportait, par avance, à la décision du Président des États-Unis. D’après les explications qu’a fournies au Reichstag, devant une assemblée mécontente et houleuse, le ministre des Affaires étrangères du Reich, le président Harding, saisi de cette demande équivoque, aurait décliné le rôle d’arbitre et accepté celui de médiateur. Par un fâcheux dérèglement de l’esprit, le Gouvernement allemand a pris ses désirs pour des réalités. Le Président des États-Unis n’a pas plus consenti à être médiateur qu’à être arbitre. Il a parfaitement compris que le Traité donnait à la France des droits inaliénables, sur lesquels aucun débat ne pouvait plus s’ouvrir, devant aucune juridiction, si élevée et si hautement impartiale qu’elle fût.

Le président Harding et M. Hughes sont des hommes de conscience et de devoir. Depuis quelques semaines, ils ont, en outre, longuement conféré avec MM. Viviani et Jusserand ; ils sont aujourd’hui renseignés, tant sur les méthodes du Reich et sur ses procédés dilatoires, que sur la nécessité où se trouve la France d’obtenir enfin le paiement des réparations qui lui sont dues. Ils savent que nous ne pouvons considérer le Traité de paix comme un chiffon de papier et