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l’attaque allemande, quels qu’aient été les crimes commis sur son territoire par les armées d’invasion, elle ne forme d’autre souhait que de consolider une paix si chèrement acquise. Nous ne nous lasserons pas de le redire : lorsqu’elle réclame l’exécution du Traité, elle n’obéit point au ressentiment et à la rancune ; elle n’est poussée que par deux grandes raisons, l’une morale, qui est un besoin de justice, l’autre matérielle, qui est la nécessité de vivre.

Elle plie sous le poids des dépenses que les manquements de l’Allemagne l’ont déjà contrainte à supporter. Dans le remarquable rapport qu’il a fait à la Chambre sur le budget des régions libérées, M. d’Aubigny a montré que, contrairement aux affirmations allemandes, il a déjà été accompli, dans les départements dévastés, de prodigieux efforts de reconstruction. Au 31 décembre 1920, sur cinquante-deux mille kilomètres de routes détruits par l’ennemi, trente mille ont été réparés. Quatre-vingts pour cent des ouvrages d’art démolis ont été rétablis. Deux cent quarante-neuf mille maisons endommagées ont été remises en état. Cent vingt mille habitations provisoires ont été construites. Il n’est donc pas vrai que, comme l’Allemagne a osé le dire à l’Amérique, nous ayons éternisé, par maladresse, par négligence, ou par calcul, la misère de nos communes ruinées. Nous avons, au contraire, et malgré des difficultés considérables, obtenu partout des résultats, qui sont loin certes d’être satisfaisants, mais qu’on ne pouvait pas espérer il y a quelques mois. Or, qui a payé jusqu’ici les frais de tous ces travaux ? La France seule. Reportez-vous aux chiffres donnés par M. de Lasteyrie et M. Maurice Bokanowski, rapporteurs généraux adjoints de la Commission des Finances de la Chambre. Sur les dépenses qui incombent à l’Allemagne et qui sont aujourd’hui inscrites dans un budget d’avances recouvrables, nous trouvons vingt-sept milliards deux cents millions déjà versés pour les pensions et les allocations, vingt- sept milliards huit cents millions déjà employés dans les réparations, quatre milliards représentant les intérêts des sommes empruntées, deux milliards correspondant aux frais d’entretien des armées d’occupation ; soit, au total, une somme de soixante et un milliards que la France a dépensée pour le compte de l’Allemagne. Voilà où nous en étions un an et demi après la paix et, depuis le 31 décembre 1920, cela continue, tout simplement.

Et cependant la France ne peut trouver indéfiniment de l’argent pour faire face à ces avances. Elle n’a malheureusement pas à sa disposition des ressources inépuisables. A quels expédients serait-elle