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La race, c’est la famille constituée, en 1838, par le mariage de M. Victor Lamy et de Mlle Pernet. Celui-là, établi à Paris où il vend de la soie grège, chrétien très ferme et homme de bien ; celle-ci, belle, cultivée, spirituelle. « La famille où il naît vient d’entrer dans la grande circulation française. Elle appartient à une classe qui reçoit toute la culture nationale, à cette forte et saine bourgeoisie en qui les disciplines traditionnelles de vie et de pensée ont achevé, précisé les caractères de notre race. »

Le moment, c’est l’année 1845, où Etienne Lamy naît le 29 juin. Autour de l’enfant, dans les années qui suivent la révolution de 1848, on a dû beaucoup parler de Lacordaire et de Lamartine. On le confiera lui-même au père Lacordaire qui dirige le collège de Sorrèze. « L’enfant rêvait-il de la chaire ou de la tribune ? Sa double vocation s’annonçait : un sermonnaire accompagna toujours, en M. Lamy, l’orateur politique et lui survécut. » Et M. Chevrillon ajoute, non sans quelque malice : « N’a-t-il pas exhorté à la vertu même l’Académie ? »

Voici fixés les traits initiaux. « Au foyer paternel, dans le cercle où il fut élevé, régnait en plein Paris cet esprit ancien de civilisation surtout morale, chrétienne, qui, chez les simples paysans de Jura et de Bretagne, assure encore la dignité et la modestie des paroles et des pensées. Sous ces influences d’ordre et de mesure, il grandissait tout droit, comme un jeune arbre dans un verger bien tenu, qui d’année en année multiplie sa ramure. » A ces mots le public a applaudi, soit parce qu’il est d’usage d’applaudir aux comparaisons, soit parce que cette phrase achevait une brillante analyse des « possibles » que les trois facteurs tainiens avaient mis dans l’âme d’Etienne Lamy.

Il restait à montrer le développement de ces possibles. Dès qu’il commence ses études de droit, Etienne Lamy est républicain. Ses compatriotes l’envoient, en 1871, à l’Assemblée nationale. Ami de Gambetta, sa carrière est rapide. Ici se place l’événement décisif de sa vie. En 1879, ses amis politiques, par la loi sur l’enseignement, se font les adversaires de sa foi religieuse. Il prend parti contre eux. En 1880, seul des gauches, il vote contre les décrets. Il sait qu’il ruine son avenir. Son magnifique discours du 3 mai est un suicide. « Vous parlez à un mort, « répond-il à un de ses amis qui le félicite. En 1881, il n’est pas réélu.

D’homme politique il devient publiciste. Quand, en 1892, commence, à la voix de Léon XIII, le ralliement, il est tout désigné pour être le porte-parole du nouveau parti, et il publie le 1er juin le Devoir des catholiques. L’esprit républicain chez lui était fait d’idéalisme, de