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l’engage à visiter avec elle une église, à la campagne, il répond : « Tu sais que je ne suis pas un athée ; mais tu sais aussi que je ne voudrais pas être rencontré dans une église ! » M. Thebault pratique indolemment quelques vertus : c’est pusillanimité, faiblesse de l’imagination, médiocrité du caractère. Ce proche parent de Bouvard et de Pécuchet nous vient de Flaubert et, dans la récente littérature, a beaucoup de cousins.

M. Gaston Chérau n’aime pas du tout les bourgeois. Et le clergé ? Lisez Monseigneur voyage, « roman » qui est plutôt un recueil d’anecdotes où les curés et leurs vicaires ont des rôles facétieux. Quelques-unes de ces anecdotes sont assez drôles. Et l’auteur a bien voulu placer, auprès de l’évêque libidineux et de ses collaborateurs affriolés, quelques bons prêtres de campagne. Mais, aux meilleurs, il n’a point retiré la niaiserie. Enfin cette peinture des mœurs cléricales n’est pas édifiante, et n’est pas ragoûtante. La Fontaine, dans ses Contes', n’épargne pas le clergé davantage. Seulement... Puis, on n’a pas lu les contes de La Fontaine, ou bien l’on avoue que l’anecdote en est bientôt fastidieuse. Puis La Fontaine, en définitive, badine : tandis que M. Gaston Chérau, qui « réalise la difficile vérité de la vie, » son badinage est plus désobligeant.

Cependant, il y a, dans Monseigneur voyage et dans les Monsieur Thebault, une espèce de bonne humeur, une gaieté de satire, au moins apparente, et à laquelle a renoncé M. Gaston Chérau après cela. Le pessimisme de M. Gaston Chérau, tel que le signalent ses premiers essais de psychologie bourgeoise et cléricale, est à la conclusion, si vous avez à constater que la bourgeoisie provinciale et le clergé sont en état de bêtise et de luxure malheureuse. L’auteur ne s’en attriste pas : il a, pour le consoler, le plaisir de la raillerie et le superbe amusement de suprématie dédaigneuse.

Peut-être, au temps de Monseigneur et de Monsieur Thebault, M. Gaston Chérau ne s’était-il pas avisé encore de réaliser tout au juste la difficile vérité de la vie. Peut-être n’avait-il pas conçu l’esthétique ou, mieux, l’éthique littéraire dont témoigne cette épigraphe du Monstre : « ... Avec recueillement, — avec ferveur, — religieusement ; — sans chercher à expliquer les actes, — à en ravaler ou à en exalter les effets, — sans essayer d’en tirer un enseignement. » Désormais, on le voit, c’est fini de rire, ou seulement de sourire.

Le Monstre est un recueil de nouvelles, toutes intéressantes, quelques-unes fort belles, toutes désespérantes. Le réalisme de M. Gaston Chérau accomplit ses prouesses et, comme l’auteur a le