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REVUE LITTÉRAIRE

LES ROMANS DE M. GASTON CHÉRAU [1]


M. Gaston Chérau est un véritable romancier, qui a merveilleusement les qualités principales de son art et n’a point à la perfection toutes les autres. Il sait conter. Il ne conte pas vite ; mais il conte si bien qu’il vous mène d’un bout à l’autre de ses longs récits en deux ou trois volumes sans avoir à vous traîner : vous l’accompagnez. Il a une excellente abondance d’invention, qui fait qu’à peine vient-il d’achever un épisode, voici qu’un épisode encore se dessine : et le roman se renouvelle. Il a le don de la vie : aucun personnage ne reste en l’état de misérable utilité, mais bouge, et n’est pas remué comme une marionnette, bouge par soi-même et subit l’influence de son âme. Les personnages sont très nombreux et divers, de différentes contrées et de toutes sortes, paysans, ouvriers, soldats, bourgeois, gens de négoce et gens d’affaires, gens de rien, riches, aristocrates et nobliaux. M. Chérau, s’il continue, aura donné l’une des plus amples images de ce temps, que l’on doive à un romancier ; l’image est vive.

Et cette œuvre, qui a de la grandeur, qui a même de la beauté, manque d’un charme qui vous invite à l’aimer autant que vous en admirez les mérites. Elle impose et ne séduit pas ; elle émeut plus qu’elle ne touche. Les sentiments qu’elle suggère ne sont pas de ceux qu’on se plaise à conserver et qui prêtent à la rêverie. Je l’ai lue, et je n’ai point envie de la relire. Elle ne m’a pas ennuyé un instant : je l’oublierai très volontiers.

  1. Valentine Pacquault (Plon). Du même auteur (à la librairie Flammarion) : Les Grandes époques et La Saison balnéaire de M. Thebault ; Monseigneur voyage, Le Monstre, Champi-Tortu, La Prison de verre, L’Oiseau de proie, Le Remous.