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LITTÉRATURES ÉTRANGÈRES

UN CONTEUR SIENNOIS


FEDERIGO TOZZI : CON GLI OCCHI CHIUSI ; TRE CROCI[1]


Il y a un peu plus d’un an, le 21 mars 1920, mourait à Rome, dans une pauvre maison de la Via del Gesù, un écrivain de trente-huit ans qui avait publié en tout deux minces volumes. Ces livres étaient tombés mal à propos pendant la guerre. Ils avaient attiré toutefois l’attention des délicats, qui y avaient reconnu cette prose classique qui ne s’écrit plus guère depuis Leopardi. On sentait un homme étranger à toutes les modes nouvelles, riche d’une sensibilité et d’une expérience originales, formé solitairement à l’école de la vie. Il avait publié son premier livre à trente-quatre ans. Maintenant, ses ouvrages allaient se multiplier. Il venait de corriger à Milan les épreuves d’un nouveau roman, qu’on disait un chef-d’œuvre, tandis qu’une Revue romaine faisait paraître les premières pages d’un livre qui s’annonçait supérieur encore. Et il avait dans son logis de la Via del Gesù une vieille malle, son unique fortune, bondée de manuscrits et d’ébauches, moins nombreuses pourtant que les quinze ou vingt romans dont la matière s’était accumulée en lui et dont les formes s’agitaient dans sa tête puissante. Pour ceux qui savaient, cet inconnu était la plus grande force littéraire qui se fût révélée depuis une génération. La grippe l’enleva en huit jours. Quelques semaines plus tard,

  1. 2 vol. in-16, Milan, Fratelli Treves, édit., 1920.