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le prince refusait de se déshonorer en nommant ses complices, les auteurs de quelques lettres dont on ne parvenait pas à reconnaître l’écriture.

Il se montra de nouveau à Versailles six mois plus tard. Cette fois, ce ne fut encore qu’une apparition. Le Roi avait subi l’opération douloureuse de la fistule ; et, comme le Duc de Bourbon sollicitait pour Conti la permission de présenter ses compliments lui-même, le Roi avait répondu que le prince « n’était pas chassé et qu’il pouvait venir, s’il voulait. »

L’entrevue eut lieu le 22 novembre 1686. Les chroniqueurs n’en citent que ces paroles : « On croit mon mal plus grand, quand on est loin ; mais, dès que l’on me voit, l’on juge aisément que je ne souffre guère. » Elle paraît avoir été des plus froides. Dès le lendemain, Conti s’en allait à Chantilly. Il n’y trouva pas Monsieur le Prince.


Depuis le 11 novembre, Condé était auprès de la Duchesse de Bourbon, sa petite-fille, gravement atteinte de la petite vérole, à Fontainebleau. Malade lui-même, souffrant d’un « flux de ventre » qui ne s’arrêtait pas et qui lui occasionnait de la fièvre et une faiblesse extrême, il avait défendu à son neveu de venir à moins d’un danger imminent, tant il craignait que le jeune homme, en quittant le lieu de son exil, ne se compromit davantage dans l’esprit du Roi.

Tout à coup, le 10 décembre, Conti apprit que Monsieur le Prince était à l’extrémité. Cependant Condé demandait le Père de Champs et rassemblait ses dernières forces pour dicter au Père Bergier cette admirable lettre où il faisait ses adieux au Roi, parlait de lui-même avec une modestie digne de sa grande âme, et recommandait à la miséricorde royale le neveu qu’il avait aimé comme un fils :

« Il y a un an, disait le mourant, que je le conduis, et j’ai cette satisfaction de l’avoir mis dans des sentiments tels que Votre Majesté le peut souhaiter ; ce prince a assurément du mérite, et, si je ne lui avais point reconnu toute la soumission imaginable pour Votre Majesté et une envie très sincère de n’avoir point d’autre règle de conduite que la volonté de Votre Majesté, je ne lui en parlerais pas et je ne la prierais pas, comme je fais très humblement, de vouloir bien lui rendre ce qu’il estime