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une sédition de caserne, un drame de palais ? J’ignore. Mais l’événement me semble s’annoncer dès maintenant avec le caractère inéluctable d’une fatalité historique. En tout cas, les probabilités sont déjà si fortes que je crois devoir prévenir le Gouvernement français ; j’adresse donc à Delcassé un télégramme qui, après lui avoir exposé les périls de la situation militaire, se termine ainsi : Pour la situation intérieure, elle n’est rien moins que rassurante. Jusqu’en ces derniers temps, on pouvait croire qu’il ne se produirait pas de désordres révolutionnaires avant la fin de la guerre. Je ne l’affirmerais pas aujourd’hui. La question qui se pose est donc de savoir si, à une échéance plus ou moins éloignée, la Russie sera encore capable de jouer efficacement son rôle d’alliée. Quelque incertaine que soit cette éventualité, elle doit entrer désormais dans les prévisions du Gouvernement de la République et dans les calculs du général Joffre.



Dimanche, 5 septembre 1915.

L’Empereur est parti hier soir pour le Grand-Quartier général, où il prend aujourd’hui le commandement.

Avant son départ, il a signé une décision qui étonne et afflige tout le monde : il a congédié, sans un mot d’explication, le chef de sa Chancellerie militaire, le prince Wladimir Orlow.

Lié à Nicolas II par une amitié de vingt ans, initié par ses fonctions à la vie quotidienne et la plus intime du souverain, mais ayant toujours gardé envers son maître l’indépendance de son caractère et la franchise de son langage, il ne cessait de combattre Raspoutine. Désormais, il n’y a plus, dans les entours des Majestés, une seule personne qui ne soit docile au staretz.



Lundi, 6 septembre 1915.

Ayant pris le commandement de toutes les forces militaires et navales, l’Empereur a publié l’ordre du jour suivant :

Aujourd’hui, j’ai pris le haut commandement de toutes les forces armées de terre et de mer opérant sur le théâtre de la guerre.

Avec une ferme foi en la divine clémence et avec une assurance inébranlable dans la victoire finale, nous remplirons notre